Celui de Sophie :
Athènes dans l'après-guerre. Dans la grisaille, la brume et les fumées de l'usine à gaz, les lumières de la ville apportent l'illusion d'échapper à la misère. Bèba s'occupe d'une verrerie artisanale, affligée d'un mari en dépression et de deux vendeurs inefficaces et improductifs. Bèba, c'est la jeunesse, ses luttes, ses espoirs et ses déceptions, la force et la résistance qu'elle oppose aux contrariétés de la vie, à ses déboires.
Tendre, lyrique et poétique, d'une rare maîtrise du récit et de la langue, La Verrerie donne à cette histoire d'une femme, qui voit s'éteindre un à un ses rêves les plus chers, une profondeur et une vérité qui font de ce roman, classique de la littérature grecque, un texte fascinant à (re)découvrir.
Varsovie, début du XXe siècle. Après avoir fait fortune en Argentine, Max et Flora rentrent au pays chercher de la « marchandise » pour leur fabrique de sacs à mains, qui n'est autre que le bordel local. La marchandise - c'est-à-dire des filles -, Flora, experte en la matière, la choisira, et Max s'assurera qu'elle a bien toutes les qualités requises... À peine arrivés, ils renouent avec leurs vieux amis, Meir et Leah, membres éminents de la pègre de Varsovie, tout disposés à les aider dans leur recherche.
Quand Meir présente à Max une très jeune fille innocente et pleine de grâce, Rashka, Max est sous le charme. Le seul problème étant que, finalement, il aimerait bien la garder pour lui seul. Flora, sentant venir le danger, renoue avec un ancien amant tandis que Max promet mariage et enfant à Rashka - passant sous silence le fait qu'il est déjà marié - et la convainc de s'enfuir avec lui à Paris. Paris, qui se transforme très vite en Otwock, petite bourgade sans intérêt à deux pas de Varsovie. Malgré les qualités de sa jeune maîtresse, Max ne tarde pas à s'ennuyer de ses amis truands, de leurs combines louches et des tavernes de la rue Krochmalna, et décide de rentrer à Varsovie, quitte à devoir affronter la justice et l'ire de Flora.
Est-ce-que tout cela peut bien finir ? Non, certainement pas, sinon ça ne serait pas du Singer !
Dans ce nouveau roman inédit, Singer renoue avec ses thèmes de prédilections et signe un texte foisonnant et haut en couleurs - avec le noir en dominante - qui n'est pas sans rappeler l'univers de Keila la Rouge.
Ce 29 juillet ressemble à une journée ordinaire dans la vie de Cathal. À peine le sent-on troublé, dans son bureau de Dublin baigné de soleil, alors qu'il s'acquitte distraitement de ses tâches de fonctionnaire, puis dans le bus qui le ramène chez lui, où son attention est fugitivement attirée par un parfum familier.
Dans sa maison du comté de Wicklow, l'immobilité et le silence lui paraissent singuliers ce soir-là. S'affalant dans son canapé, il se laisse happer par un documentaire sur Lady Diana, fasciné par les images de son mariage, alors qu'il ne s'était jamais intéressé à la famille royale.
Au gré de dissonances subtilement notées par Claire Keegan dans le comportement de son personnage, le lecteur comprend peu à peu que cette journée va se révéler tout sauf ordinaire.
Parallèlement à la soirée de Cathal, le récit narre sa rencontre avec Sabine, deux ans auparavant, et l'importance que cette jeune femme franco-britannique, travaillant elle aussi à Dublin, a peu à peu prise dans son existence.
Misogynie est un véritable tour de force : voici une nouvelle parvenant à suggérer ce qui n'arrive pas à l'homme dont elle brosse le portrait avec une précision quasi entomologique.
Rome, fi n des années 1960. Leo Gazzarra, milanais d'origine, est depuis quelques années installé dans la capitale. Il vit de petits boulots pour des revues et des journaux. Viscéralement inadapté, dans un monde où il ne parvient pas à trouver sa place, il se laisse aller à des journées qui se ressemblent et à des nuits souvent alcoolisées. Leo n'en veut à personne et ne revendique rien. Le soir de ses trente ans, il rencontre Arianna, une jeune femme exubérante à la fois fragile et séductrice. Sûre de sa beauté mais incapable d'exprimer ses véritables sentiments, Arianna est évanescente. Elle apparaît et disparaît, bouleversant le quotidien mélancolique d'un homme qu'elle aurait peut-être pu sauver de sa dérive existentielle.Dans ce premier roman, paru pour la première fois en Italie en 1973, Gianfranco Calligarich évoque les cercles intellectuels et mondains de l'époque tout en dressant le portrait d'un homme qui cherche un sens à sa vie. Une histoire d'amour et de solitude, récit d'un renoncement tranquille, qui nous plonge dans une Rome solaire, magnétique.
1921-2021. Il y a cent ans paraissait Dersou Ouzala de Vladimir Arseniev. Succès à parution, cette oeuvre magnétique deviendra mondialement connue grâce au film d'Akira Kurosawa. Le théâtre du récit est la forêt de l'Extrême-Orient sibérien alors que la ruée vers l'Est supplante les tribus de souche. Au centre de l'histoire rayonne la figure de Dersou Ouzala, chasseur nanaï initié aux secrets de la forêt, héros animiste qui incarne les valeurs d'amitié, de communion avec la nature et de respect du vivant...
Il n'existait en français qu'une traduction abrégée aux deux tiers datant de 1939, plusieurs fois rééditée.
Transboréal assure ainsi la première édition intégrale à partir de la version originale sauvée du caviardage soviétique et enrichie d'une préface ainsi que d'illustrations inédites.
« En quelle langue parler au lecteur ? ».
Souvenirs de la Kolyma est un cycle de textes écrits par Varlam Chalamov dans les années soixante-dix, soit une vingtaine d'années après sa libération des camps et son retour. Ils sont complétés par des évocations de ses contemporains, écrivains ou poètes, comme Pasternak, ainsi que par une étrange liste de 1961 qui énumère avec une sècheresse poignante ce qu'il a « vu et compris dans les camps ». Ces souvenirs, comme les Récits de la Kolyma, transmettent la réalité par fragments et s'interrogent avant tout sur ce que peut la langue et ce qu'est la mémoire.
« J'essaierai de restituer la suite de mes sensations - je ne vois que ce moyen de préserver l'authenticité de la narration. Tout le reste (pensées, paroles, descriptions de paysages, citations, raisonnements, scènes de la vie courante) ne sera pas suffisamment vrai. Et pourtant je voudrais que ce soit la vérité de ce jour-là, la vérité d'il y a vingt ans, et non la vérité de mon actuelle appréhension du monde. ».
Avec Souvenirs de la Kolyma, la collection « Slovo » poursuit le travail d'édition complète des oeuvres en prose de Varlam Chalamov, auteur fondamental du xxe siècle, désormais reconnu comme un des grands écrivains non seulement de l'histoire des camps, mais surtout de la littérature mondiale.
Tous les livres que j'ai écrits ont été précédés d'une phase, souvent très longue, de réflexions et d'interrogations, d'incertitudes et de directions abandonnées.À partir de 1982, j'ai pris l'habitude de noter ce travail d'exploration sur des feuilles, avec des dates, et j'ai continué de le faire jusqu'à présent. C'est un journal de peine, de perpétuelle irrésolution entre des projets, entre des désirs. Une sorte d'atelier sans lumière et sans issue, dans lequel je tourne en rond à la recherche des outils, et des seuls, qui conviennent au livre que j'entrevois, au loin, dans la clarté.A. E.Parallèlement à ses romans, Annie Ernaux tient un journal d'avant-écriture ; une sorte de livre de fouilles, rédigé année après année, qui offre une incursion rare de «l'autre côté» de l'oeuvre.Plongé au coeur même de l'acte d'écrire, le lecteur devient témoin du long dialogue de l'autrice avec elle-même : la pensée taillée au couteau, des idées en vrac, des infinitifs en mouvement ; des associations de mots, de morceaux de temps, et de confidences.Pour la réédition de L'atelier noir, Annie Ernaux a souhaité augmenter l'ouvrage de pages inédites de son journal de Mémoire de fille.
Annie Ernaux est aujourd'hui, de façon incontestable, l'un des auteurs français les plus (re)connus dans le paysage littéraire contemporain, son oeuvre est traduite dans de nombreux pays et couronnée par de multiples prix (récemment encore le Prix Prince Pierre de Monaco). Ce volume qui lui est consacré permettra tout à la fois de satisfaire les lecteurs les plus érudits mais également de répondre à la curiosité littéraire d'un public de plus en plus large et fidèle. Mêlant regards critiques et interventions plus personnelles d'écrivains ou d'artistes, le Cahier explore autant les enjeux sociologiques, historiques et parfois psychanalytiques de l'oeuvre d'Annie Ernaux que sa sensibilité intime. La multitude des intervenants, issus de milieux aussi divers que le cinéma, le théâtre, la littérature, la chanson et la recherche littéraire, vise à mettre en valeur les nombreuses facettes du travail d'Annie Ernaux. Certaines parties mettent l'accent sur des ouvrages précis, L'Événement, Les Années et Mémoire de fille, quand d'autres abordent les thématiques qui traversent toute l'oeuvre ; écriture, voyages, engagement politique,... De nombreux extraits inédits du journal d'écriture d'Annie Ernaux témoignent par ailleurs du regard sans cesse éveillé que l'écrivaine pose sur le monde.
«C'est très simple, je voudrais retrouver le moment où soudain Marguerite s'est arrêtée de me parler et que tout s'est suspendu. Nous étions assises l'une en face de l'autre, Marguerite Duras et moi, un après-midi d'automne, chez elle, rue Saint-Benoît numéro 5, je portais un gilet en grosse laine rouge et blanc et un petit foulard de soie léopard tacheté noir et blanc. À un moment, et c'est celui-là précisément que je voudrais retrouver, elle m'a fixée, légèrement absente, la beauté de son visage, ses yeux bleus et purs, son air unique et souverain de Marguerite D. Tu vois, j'étais exactement comme toi. Le même foulard, les mêmes couleurs, pareille.Entre nous, sur la table, des feuilles de papier, un magnéto, des stylos, et le livre ouvert : Emily L.J'étais venue pour qu'elle me parle d'elle.»
Marie de Quatrebarbes s'est inspirée, pour ce premier roman, de la vie du célèbre historien d'art Aby Warburg (1866 - 1929), issu d'une riche famille de banquiers juifs. Warburg devint spécialiste de la Renaissance, s'est passionné pour la photographie, les Indiens Hopis, a constitué une invraisemblable bibliothèque de plus de cinquante mille volumes, mais sombra lentement, confronté au désastre du monde, dans l'univers de la folie.
En s'appuyant, entre autres documents, sur le dossier clinique du patient Warburg, Aby raconte la période d'effondrement psychique qu'a traversée l'historien aux lendemains de la Première guerre mondiale, et son internement forcé en Allemagne puis à la clinique Bellevue, en Suisse, de 1921 à 1924. Le roman s'intéresse à l'expérience de la crise psychique, qui cristallise un moment décisif de la pensée de Warburg. Marie de Quatrebarbes crée un « Warburg-personnage de fiction » évoluant dans le décor de Bellevue, véritable chambre d'échos de la folie du monde. Ludwig Binswanger y met en oeuvre les techniques psychanalytiques de son confrère et ami Sigmund Freud. Hans Prinzhorn publie pour la première fois des dessins d'aliénés. Bellevue, dans le roman, est non seulement l'espace clos où Warburg est tenu apparemment à distance du monde, mais aussi la cabine du projectionniste à partir de laquelle se rêve l'époque. Le roman tente de résoudre l'énigme qui entoure la maladie et la guérison de Warburg, et de restituer son effroi devant l'énigme de l'existence, dont sa passion pour l'art et les images est un effort de conjuration.
Aby peut être lu comme une enquête fiction sur l'imaginaire de la crise, de toutes les crises, et ce qu'elles produisent sur une existence et sur une oeuvre.
Aby a reçu le Fonds de dotation Vendredi soir, qui récompense 6 jeunes écrivains et artistes.
"Je voulais qu'il change. Qu'il s'en sorte. Qu'il arrête de voler et qu'il devienne champion olympique. Je rêvais. Je refusais de voir une réalité que pourtant il ne me cachait pas".
De chaque côté du parloir de la prison, deux hommes se dévoilent. L'un, Mathieu Palain, est devenu journaliste et écrivain alors qu'il se rêvait footballeur. L'autre, Toumany Coulibaly, cinquième d'une famille de dix-huit enfants, est un athlète hors normes et un braqueur de pharmacies. Champion le jour, voyou la nuit : il y a une "énigme Coulibaly" que Mathieu Palain tente d'éclaircir autant qu'il s'interroge sur lui-même.
"L'enfermement, l'amitié et la délinquance, pourquoi certains s'en sortent et d'autres pas. J'ai longtemps tourné autour de ces obsessions. Et puis j'ai rencontré Toumany."
Avec ce récit documentaire, Cyrille Martinez se penche sur un des sports les plus pratiqués en France : la course à pied. Lui-même runner précoce, ancien pigiste du Provençal et homme de livres, son approche n'en est que plus originale et ludique, émouvante autant que sociologique. Le marathon de Jean-Claude tient ensemble divers points de vue : celui du coach décrivant les étapes d'un entraînement, celui du médecin conscient des risques psychophysiologiques, celui du chroniqueur sportif tenant en haleine son public, celui de l'anthropologue décrivant un rite populaire loin du jogging urbain, et enfin celui de l'amateur averti partageant le ressenti de ses personnages. En quinze chapitres, l'auteur réinvente sa façon de raconter des exploits éphémères et des champions sans qualités, pour mieux les faire entrer en littérature.
A quoi ressemble une vie ?
Pour la narratrice, à une déclaration d'amour entre deux enfants de quatre ans, pendant une classe de musique.
Ou à leur rencontre en plein hiver, quarante ans plus tard, dans une rue de Paris.
On pourrait aussi évoquer un rock'n'roll acrobatique, la mort d'une mère, une exposition d'art contemporain, un mariage pour rire, une journée d'été à la campagne ou la vie secrète d'un gigolo.
Ces scènes - et bien d'autres encore - sont les images où viennent s'inscrire les moments d'une existence qui, sans eux, serait irrévocablement vouée à l'oubli.
Car tout ce qui n'est pas écrit disparaît.
Conjurer l'oubli : tel nous apparaît l'un des sens de ce roman animé d'une extraordinaire vitalité, alternant chutes et rebonds, effondrements et triomphes, mélancolie et exaltation.
Oeuvre majeure d'une romancière passionnée par l'invention des formes, L'Eternel Fiancé confirme son exceptionnel talent : celui d'une auteure qui a juré de nous émerveiller - et de nous inquiéter - en proposant à notre regard un monde en perpétuel désaccord.
Ce [...] livre est parti d'une idée assez monstrueuse, mais, je pense, assez exaltante.
J'ai choisi, à Paris, douze lieux, des rues, des places, des carrefours, liés à des souvenirs, à des événements ou à des moments importants de mon existence. Chaque mois, je décris deux de ces lieux ; une première fois, sur place (dans un café ou dans la rue même) je décris « ce que je vois » de la manière la plus neutre possible, j'énumère les magasins, quelques détails d'architecture, quelques micro-événements (une voiture de pompiers qui passe, une dame qui attache son chien avant d'entrer dans une charcuterie, un déménagement, des affiches, des gens, etc.) ; une deuxième fois, n'importe où (chez moi, au café, au bureau) je décris le lieu de mémoire, j'évoque les souvenirs qui lui sont liés, les gens que j'y ai connus, etc. Chaque texte [...] est, une fois terminé, enfermé dans une enveloppe que je cachette à la cire. Au bout d'un an, j'aurai décrit chacun de mes lieux deux fois, une fois sur le mode du souvenir, une fois sur place en description réelle. Je recommence ainsi pendant douze ans [...].
J'ai commencé en janvier 1969 ; j'aurai fini en décembre 1980 ! j'ouvrirai alors les 288 enveloppes cachetées [...]. Je n'ai pas une idée très claire du résultat final, mais je pense qu'on y verra tout à la fois le vieillissement des lieux, le vieillissement de mon écriture, le vieillissement de mes souvenirs : le temps retrouvé se confond avec le temps perdu ; le temps s'accroche à ce projet, en constitue la structure et la contrainte ; le livre n'est plus restitution d'un temps passé, mais mesure du temps qui s'écoule ; le temps de l'écriture, qui était jusqu'à présent un temps pour rien, un temps mort, que l'on feignait d'ignorer ou que l'on ne restituait qu'arbitrairement (L'Emploi du temps), qui restait toujours à côté du livre (même chez Proust), deviendra ici l'axe essentiel.
Je n'ai pas encore de titre pour ce projet ; ce pourrait être Loci Soli (ou Soli Loci) ou, plus simplement, Lieux.
Georges Perec.
Extrait de « Lettre à Maurice Nadeau » du 7 juillet 1969, dans Je suis né, Seuil, « La Librairie du XXe siècle », 1990.
Sur le pont du paquebot qui le ramène en Europe après une ultime saison à New York, Gustav Mahler laisse dériver ses pensées. À cinquante ans, il est un compositeur adulé et le chef d'orchestre le plus réputé de son temps, mais son corps souffrant lui rappelle que la fin est proche. Emmitouflé dans une épaisse couverture, l'oeil rivé sur la mer grise, son esprit dévide des souvenirs, surgis à la faveur d'une sensation fugace - le cri d'une mouette, l'ombre d'un nuage...
Robert Seethaler excelle à suggérer en quelques traits le pur bonheur des étés à la montagne, tout comme, dans un registre bien différent, la décennie pendant laquelle Mahler a réformé et dirigé l'Opéra de Vienne. L'amour tourmenté du musicien pour sa femme Alma, son chagrin à la mort de sa fille aînée et, bien sûr, la haute conception de son art traversent ce texte aussi bref que profond.
Sans la moindre emphase, l'écrivain restitue la légendaire exigence du maître, bourreau de travail malgré sa faible constitution, de même que sa quête permanente de la beauté.
C'est sans doute de son apparente simplicité que cet intense roman tire sa force. Les rares mots échangés face à l'océan entre l'illustre passager et le jeune garçon de cabine chargé de veiller à son bien-être sont à cet égard exemplaires.
Portrait tout en intériorité d'un artiste dont le génie ne s'est jamais tari, Le Dernier Mouvement est également une poignante méditation sur la puissance de la création.
Faut-il le rappeler ? Les textes ici réunis n'étaient pas destinés à la publication, et Kafka eut soin de le faire savoir à son ami Max Brod : «tout ce qui se trouve dans ce que je laisse derrière moi [...] en fait de journaux, manuscrits, lettres, écrites par d'autres ou par moi, dessins, etc., est à brûler sans restriction et sans être lu». Brod divulgua pourtant ces documents, progressivement et partiellement. Son geste passa tantôt pour une trahison, tantôt pour le signe tangible d'une fidélité vraie. Il reste, quoi qu'on en pense, que ces écrits dits «intimes» enrichissent la voix de Kafka et contribuent à faire d'elle l'une des plus singulières qui soient.Dans le sillage de ses romans, tous les écrits de Kafka ont peu à peu acquis un statut «littéraire». D'une centaine de fiches numérotées on a fait le recueil des Aphorismes de Zürau, parfois intitulé Considérations sur le péché, la souffrance, l'espérance et la vraie voie. La Lettre au père, nouvelle «description d'un combat», fut un temps promise à l'envoi postal, mais se lit aujourd'hui comme un texte autonome, et comme l'une des clés de l'oeuvre : Kafka déclara plusieurs fois son intention d'en confier le manuscrit à Milena Pollak afin de lui donner accès à une compréhension plus profonde de sa difficulté à vivre et à aimer - difficulté dont les lettres à Felice Bauer témoignent massivement. Ces lettres à Felice et les lettres à Milena (on a eu tôt fait de réduire ces jeunes femmes à leur prénom) ont été considérées comme de grands romans d'amour. Leur quantité, leur tonalité, la puissance des affects présidant à leur écriture les destinaient à une existence littéraire propre. Elles démontraient la violence chez Kafka du désir de vivre pour et par l'écriture, contre les voeux du père.Quant au Journal, il bénéficie d'une forte image d'«oeuvre pour soi ». Il fut pour son auteur un lieu de vie et de survie solitaire dans les profondeurs protectrices de l'écriture, un réseau souterrain de stockage sans cesse ouvert sur des galeries nouvelles - un terrier. Très hétérogènes, les cahiers de Journal servaient à consigner des notes personnelles et des récits de rêves, mais aussi à recueillir des chapitres de romans ou des ébauches de récits, à rédiger des brouillons de lettres, à accueillir des dessins et des exercices d'écriture. Ils sont ici traduits intégralement. Les nouvelles et récits contenus dans ces cahiers, et que l'on avait isolés pour les publier au tome I de cette édition, figurent donc de nouveau au sein du Journal, sous une autre lumière. Le corpus intégral des lettres de Kafka, dont quelques-unes étaient encore inédites en français, est ici classé selon la chronologie, et non plus, comme autrefois, par correspondants. C'est l'occasion d'une redécouverte - l'occasion aussi de prendre conscience de l'intrication des notes personnelles ou intimes, des projets littéraires et des lettres quotidiennes. Chaque tome contient en effet les Journaux de la période
Faut-il le rappeler ? Les textes ici réunis n'étaient pas destinés à la publication, et Kafka eut soin de le faire savoir à son ami Max Brod : «tout ce qui se trouve dans ce que je laisse derrière moi [...] en fait de journaux, manuscrits, lettres, écrites par d'autres ou par moi, dessins, etc., est à brûler sans restriction et sans être lu». Brod divulgua pourtant ces documents, progressivement et partiellement. Son geste passa tantôt pour une trahison, tantôt pour le signe tangible d'une fidélité vraie. Il reste, quoi qu'on en pense, que ces écrits dits «intimes» enrichissent la voix de Kafka et contribuent à faire d'elle l'une des plus singulières qui soient.Dans le sillage de ses romans, tous les écrits de Kafka ont peu à peu acquis un statut «littéraire». D'une centaine de fiches numérotées on a fait le recueil des Aphorismes de Zürau, parfois intitulé Considérations sur le péché, la souffrance, l'espérance et la vraie voie. La Lettre au père, nouvelle «description d'un combat», fut un temps promise à l'envoi postal, mais se lit aujourd'hui comme un texte autonome, et comme l'une des clés de l'oeuvre : Kafka déclara plusieurs fois son intention d'en confier le manuscrit à Milena Pollak afin de lui donner accès à une compréhension plus profonde de sa difficulté à vivre et à aimer - difficulté dont les lettres à Felice Bauer témoignent massivement. Ces lettres à Felice et les lettres à Milena (on a eu tôt fait de réduire ces jeunes femmes à leur prénom) ont été considérées comme de grands romans d'amour. Leur quantité, leur tonalité, la puissance des affects présidant à leur écriture les destinaient à une existence littéraire propre. Elles démontraient la violence chez Kafka du désir de vivre pour et par l'écriture, contre les voeux du père.Quant au Journal, il bénéficie d'une forte image d'«oeuvre pour soi ». Il fut pour son auteur un lieu de vie et de survie solitaire dans les profondeurs protectrices de l'écriture, un réseau souterrain de stockage sans cesse ouvert sur des galeries nouvelles - un terrier. Très hétérogènes, les cahiers de Journal servaient à consigner des notes personnelles et des récits de rêves, mais aussi à recueillir des chapitres de romans ou des ébauches de récits, à rédiger des brouillons de lettres, à accueillir des dessins et des exercices d'écriture. Ils sont ici traduits intégralement. Les nouvelles et récits contenus dans ces cahiers, et que l'on avait isolés pour les publier au tome I de cette édition, figurent donc de nouveau au sein du Journal, sous une autre lumière. Le corpus intégral des lettres de Kafka, dont quelques-unes étaient encore inédites en français, est ici classé selon la chronologie, et non plus, comme autrefois, par correspondants. C'est l'occasion d'une redécouverte - l'occasion aussi de prendre conscience de l'intrication des notes personnelles ou intimes, des projets littéraires et des lettres quotidiennes. Chaque tome contient en effet les Journaux de la période
Tiens-toi bien !, récit littéraire à caractère intime, raconte une vie de femme artiste, libre et irrévérencieuse. Sally Mann a lutté contre la censure du puritanisme américain des Trente Glorieuses et a célébré la liberté d'expression. Depuis le succès de la rétrospective Sally Mann au Musée du Jeu de Paume, on connaissait la photographe, on découvre l'écrivaine.
Ce texte autobiographique richement illustré par les photos de l'artiste et des archives personnelles inédites, célèbre, entre autres, les thèmes de l'éco-féminisme, du nature-writing, de la famille et de l'enfance en liberté. On découvrira une existence inspirante racontée par une plume sensible, littéraire et narrative. On pense à Just Kids de Patti Smith (verbatim en bande du livre), aux récits de Joan Didion. Véritable best-seller aux États-Unis avec plus de 100 000 exemplaires vendus, Tiens-toi bien ! est le premier livre de texte traduit en France de cette artiste protéiforme d'exception.
A travers une seule image, obsédante, lancinante, celle qui capture l'instant précis où Monet entre dans son atelier, je me suis efforcé de peindre les dernières années de la vie de Monnet.
C'est dans ce grand atelier de Giverny où il a peint les Nymphéas qu'il se sent à l'abri des menaces du monde extérieur, la guerre qui gronde aux environs de Giverny, la vieillesse qui approche, la vue qui baisse inexorablement. C'est là, dans l'ombre de la mort, qu'il va entamer le dernier face à face décisif avec la peinture. C'est là, pendant ces dix années, de 1916 à 1926, que Monet va poursuivre inlassablement l'inachèvement des Nymphéas, qu'il va le polir, qu'il va le parfaire.
J.-Ph.T
Odilon Redon est un artiste majeur du XIXe siècle. L'accès aux archives Redon permet de proposer aujourd'hui des oeuvres et des documents totalement inédits, notamment deux carnets de dessins reproduits intégralement dans l'ouvrage et commenté par Dario Gamboni. Plus de 350 oeuvres (dessins, lithographies, peintures) complèteront l'ensemble. L'approche des auteurs a permis de concilier l'exploration d'un fond d'archives et oeuvres inédits avec leur analyse et une mise en perspective historique. L'histoire de Redon se trouve ainsi considérablement renouvelée qu'il s'agisse de ses relations familiales, de ses choix et stratégies d'artiste, de son rapport à Bordeaux et à Paris, enfin à son oeuvre même.
Un beau livre somme, le plus complet jamais publié sur l'oeuvre magistrale d'August Sander - photographe attaché à révéler son époque (le XXe siècle), et qui fait date dans l'histoire de la photographie.
Né en Allemagne, le photographe portraitiste August Sander (1876-1964) s'est attaché dans sa pratique artistique à transmettre une image fidèle et objective de son époque. Au milieu des années 1920, il s'attelle à un ambitieux projet intitulé « Hommes du XXe siècle » : dresser à grande échelle une chronique documentaire la plus exacte possible de la société. Ainsi, sur plusieurs décennies, August Sander réalise des centaines de portraits de ses contemporains, seuls ou à plusieurs, classés par profession ou selon des critères sociaux ou familiaux et visant à représenter les différentes strates de la société classées en sept groupes différents : « le paysan », « l'artisan », « la femme », « les catégories socioprofessionnelles », « les artistes », « la grande ville », et enfin, sur les thèmes du grand âge, de la maladie et de la mort, « les derniers des hommes ». Remaniée à maintes reprises au fil des années, cette entreprise monumentale l'occupa jusqu'à la fin de sa vie. Elle fut partiellement publiée mais resta inachevée. Dans cette nouvelle édition en un seul volume, la plus complète jamais publiée, sont rassemblés 619 portraits en noir et blanc ainsi qu'une nouvelle analyse de l'oeuvre. Un travail magistral sans équivalent considéré comme un classique de la littérature photographique, unique dans l'histoire de cet art - aussi bien sur le plan du concept que du projet lui-même.