" je suis dans la chambre de ma mère ".
Ainsi commençait la première page d'un roman publié à paris en janvier 1951. l'auteur était un irlandais inconnu qui écrivait en français. la presse saluait aussitôt l'apparition d'un grand écrivain : " si l'on peut parler d'événement en littérature, voilà sans conteste un livre événement " (jean blanzat, le figaro littéraire).
L'avenir allait confirmer ce jugement. dès l'année suivante paraissait, du même auteur, en attendant godot, une pièce qui allait faire le tour du monde et même éclipser quelquefois ce premier roman.
Et pourtant, molloy reste un livre majeur dans l'oeuvre de samuel beckett.
Jean-jacques mayoux, trente et un ans plus tard, nous en offre une lecture encore enrichie par le temps.
" En ces heures où le paysage est une auréole de vie, j'ai élevé, mon amour, dans le silence de mon intranquillité, ce livre étrange... " qui alterne chronique du quotidien et méditation transcendante.
Le livre de l'intranquillité est le journal que Pessoa a tenu pendant presque toute sa vie, en l'attribuant à un modeste employé de bureau de Lisbonne , Bernardo Soares. Sans ambition terrestre, mais affamé de grandeur spirituelle, réunissant esprit critique et imagination déréglée, attentif aux formes et aux couleurs du monde extérieur mais aussi observateur de " l'infiniment petit de l'espace du dedans ", Bernardo Soares, assume son "intranquillité" pour mieux la dépasser et, grâce à l'art, aller à l'extrémité de lui-même, à cette frontière de notre condition ou les mystiques atteignent la plénitude " parce qu'ils sont vidés de tout le vide du monde ". Il se construit un univers personnel vertigineusement irréel, et pourtant plus vrai en un sens que le monde réel.
Le livre de l'intranquillité est considéré comme le chef-d'oeuvre de Fernando Pessoa.
Après le succès considérable de la première édition française, parue en deux volumes (1988 et 1992), puis de la seconde édition, intégrale, en un volume (1999), nous présentons aujourd'hui cette troisième édition, entièrement revue et corrigée, d'après le dernier état de l'édition portugaise (8e édition, 2009), publiée par Richard Zenith. Celui-ci a en effet introduit de nouvelles et nombreuses modifications, rectifiant ainsi les multiples erreurs de lecture qui entachaient l'édition portugaise originale (parue en 1982) ; figurent en outre dans le présent volume de nombreux inédits retrouvés par Richard Zenith depuis la première publication au Portugal. L'ordre des textes adopté ici, comme auparavant dans la 2e édition, diffère de l'ordre suivi dans la 1ère édition, pour obéir à une organisation thématique, mais plus dynamique et plus fidèle, dans la mesure du possible, à la chronologie des différents fragments. Enfin, la traduction proprement dite a fait à son tour l'objet d'une nouvelle révision approfondie par la traductrice elle-même, qui s'est efforcée de rendre, avec le maximum de transparence, la force poétique et dramatique de ce texte, l'un des chefs-d'oeuvre de la littérature du XXe siècle.
Les dessins d'Honoré se placent hors du temps, de plus en plus court, de la vie politique actuelle. Hors du temps médiatique, mais dans le temps long des événements qui rythment notre vie de citoyen. Loin des anecdotes et des petites phrases qui alimentent aujourd'hui l'actualité, ces dessins rendent compte des grandes thématiques qui ont passionné cet illustrateur militant, comme l'écologie, le féminisme, les droits de l'homme, le catholicisme, l'économie, la France et l'international ou encore les grands enjeux sociétaux. Si les grandes figures politiques françaises et internationales sont présentes dans ce livre, ce sont leurs caractéristiques intemporelles qu'Honoré met en évidence. Avec une ironie jamais moqueuse, il dénonce la brutalité et l'absurdité de notre monde selon un principe qu'il appliquera durant toute sa carrière : doux avec les faibles, ferme avec les forts.
Né en 1941, Philippe Honoré, appelé simplement Honoré, a démarré d'abord comme dessinateur industriel, avant de pouvoir vivre pleinement de son rêve en tant que dessinateur de presse et illustrateur. Ses valeurs, son engagement politique, et plus largement citoyen, s'exprimaient en images, qu'il accompagnait d'un texte très court écrit à la main. Son dessin le plus souvent en noir et blanc, circonscrit dans un carré (comme sa signature) est reconnaissable entre tous pour sa grande élégance, sa recherche de perfection et sa férocité. Assassiné, avec onze autres personnes, le 7 janvier 2015 dans les locaux de Charlie Hebdo, Honoré était, pour Plantu, son collègue au Monde, «un immense dessinateur [...] un enragé, mais un enragé très poli et doux. Tout ce qu'il disait de violent passait par le trait. » Régulièrement publié dans la presse (Le Monde, Libération, Les Inrockuptibles, Le Magazine littéraire, Lire, Hara-Kiri.), il collaborait avec Charlie Hebdo depuis sa reparution en 1992. Il a également participé à l'édition anniversaire 2010 du Petit Larousse et a signé bon nombre de couvertures des «Petits Classiques ». Ses rébus littéraires ont fait l'objet de publication chez Arléa ; en 2011, il avait publié Je hais les petites phrases (Les Échappés), sur le quinquennat Sarkozy.
Paris, début mars 2023.L'agglomération est divisée entre deux arrondissements inégaux. Le premier, qui forme le centre, abrite la classe dirigeante. Le second, qui ceinture le premier et s'étire à perte de vue, est devenu le carrefour d'aventuriers et d'extraterrestres de tout poil. Un climat de malaise s'amplifie depuis l'apparition d'une pyramide volante. Ses occupants réclament d'astronomiques quantités de carburant à la ville de Paris...Chef-d'oeuvre d'anticipation aux images inoubliables et aux personnages iconiques (Alcide Nikopol et Jill Bioskop, entre autres), La trilogie Nikopol dénonce, non sans humour, l'absurdité des obsessions de pouvoir de l'Homme et des divinités qu'il n'a pu s'empêcher de se fabriquer. Enki Bilal est également auteur de trois films dont Immortel ad vitam, une libre déconstruction du présent ouvrage.
Depuis Les Cercueils de zinc et La Supplication, Svetlana Alexievitch est la seule à garder vivante la mémoire de cette tragédie qu'a été l'URSS, la seule à écrire la petite histoire d'une grande utopie. Mais elle est avant tout un écrivain, un grand écrivain. Ce magnifique requiem utilise une forme littéraire polyphonique singulière, qui fait résonner les voix de centaines de témoins brisés.
C'est le texte remanié de la traduction, parue en 1974, de ce chef d'oeuvre de poésie et d'humour noir du théâtre irlandais, qui fit scandale en 1907 à Dublin et que saluèrent très tôt Yeats, Apollinaire et Breton. Tout le monde connaît l'histoire du Baladin qui se vante d'avoir tué son père, puis manque de le faire pour de bon après le retour inopiné de celui-ci au deuxième acte ; autant le récit du parricide éblouit les femmes, autant sa possibilité réelle leur répugne. Cette pièce d'un humour dévastateur et d'un lyrisme sauvage, dans laquelle chaque réplique est « aussi savoureuse qu'une noix ou qu'une pomme », est d'une vitalité proprement irrésistible.
« Il faut lire la préface de Synge, écrit Martine de Rougemont, pour apprécier la justesse et la nécessité de la version qui paraît aujourd'hui. Le texte de Fouad El-Etr est évidemment passé par le « gueuloir » : il se dit, il se chante, il respire. Fidèle à l'esprit, à la lettre, à la cocasserie de Synge, il réussit le tour de force d'être aussi théâtral que lui. »
À l'ombre du mur, dans le cimetière de Charleroi, repose Ferdinand, l'oncle de Stéphanie.
Mais quatre jeunes hommes ont décidé de répandre un parfum de poison sur ce sommeil : ils ont violé la sépulture de l'once Ferdinand. Dans la famille de Stéphanie, chacun fait face comme il peut. Le père ressort de vieux papiers, des textes écrits par son frère, Ten Kobalt, une pièce de théâtre que Stéphanie devrait jouer au lycée. Laurent, le frère, shoote plus fort dans son ballon de foot pour battre l'équipe de Liège. La mère est attentive et inquiète. Elle crie très fort pour se défouler dans les gradins du stade. Et Stéphanie monte sur scène. Elle jouera Marie-Madeleine dans Barabbas de Ghelderode. Barrabas, c'est Rodrigue. Il la réchauffe quand elle a froid et il ne pose pas de questions. Comme son oncle qui photographiait les nuages, Stéphanie scrute le ciel à la recherche de sa vérité.
Elle glisse dans la ville endormie pour réveiller les secrets de Ferdinand. Rodrigue l'accompagne et la réconforte. Il s'approche d'elle en lui racontant de belles histoires.
Mais il se pourrait qu'une autre histoire, plus terrible, les sépare.
«Solennels parmi les couples sans amour, ils dansaient, d'eux seuls préoccupés, goûtaient l'un à l'autre, soigneux, profonds, perdus. Béate d'être tenue et guidée, elle ignorait le monde, écoutait le bonheur dans ses veines, parfois s'admirant dans les hautes glaces des murs, élégante, émouvante, exceptionnelle, femme aimée, parfois reculant la tête pour mieux le voir qui lui murmurait des merveilles point toujours comprises, car elle le regardait trop, mais toujours de toute son âme approuvées, qui lui murmurait qu'ils étaient amoureux, et elle avait alors un impalpable rire tremblé, voilà, oui, c'était cela, amoureux, et il lui murmurait qu'il se mourait de baiser et bénir les longs cils recourbés, mais non pas ici, plus tard, lorsqu'ils seraient seuls, et alors elle murmurait qu'ils avaient toute la vie, et soudain elle avait peur de lui avoir déplu, trop sûre d'elle, mais non, ô bonheur, il lui souriait et contre lui la gardait et murmurait que tous les soirs ils se verraient.»Ariane devant son seigneur, son maître, son aimé Solal, tous deux entourés d'une foule de comparses:ce roman n'est rien de moins que le chef-d'oeuvre de la littérature amoureuse de notre époque.
Le fils retourne dans sa famille pour l'informer de sa mort prochaine. Ce sont les retrouvailles avec le cercle familial où l'on se dit l'amour que l'on se porte à travers les éternelles querelles. De cette visite qu'il voulait définitive, le fils repartira sans avoir rien dit.
Juste la fin du monde (1990), mis en scène pour la première fois par Joël Jouanneau en 1999, est régulièrement monté tant sur les scènes nationales qu'internationales et a été traduit en quinze langues.
Cette pièce entre au répertoire de la Comédie-Française en 2007, avec la mise en scène de Michel Raskine (récompensée par le Molière du meilleur spectacle).
Au programme de l'option théâtre du baccalauréat en 2008, 2009 et 2010, elle est inscrite à celui de l'agrégation de lettres classiques et modernes en 2012.
Nommé au Collège de France, Michel Foucault a entrepris, durant la fin des années soixante-dix, un cycle de cours consacré à la place de la sexualité dans la culture occidentale : l'Histoire de la sexualité, articulée en trois volumes (La volonté de savoir, L'usage des plaisirs et Le souci de soi). Il y prolonge les recherches entreprises avec L'archéologie du savoir et Surveiller et punir, mais en concentrant ses analyses sur la constellation de phénomènes que nous désignons par le «sexe» et la sexualité. L'axe de cette entreprise n'est pas de s'ériger contre une «répression» de la sexualité afin de la «libérer», mais de montrer comment la vie sexuelle a enclenché une volonté systématique de tout savoir sur le sexe qui s'est systématisée en une «science de la sexualité», laquelle, à son tour, ouvre la voie à une administration de la vie sexuelle sociale, de plus en plus présente dans notre existence. Foucault fait ainsi l'archéologie des discours sur la sexualité (littérature érotique, pratique de la confession, médecine, anthropologie, psychanalyse, théorie politique, droit, etc.) depuis le XVIIe siècle et, surtout, au XIXe, dont nous héritons jusque dans les postures récentes de «libération sexuelle», l'attitude de censure et celle d'affranchissement se rencontrant finalement dans le même type de présupposé : le sexe serait cause de tous les phénomènes de notre vie comme il commanderait l'ensemble de l'existence sociale.
Sous le titre Essais de psychanalyse sont regroupés quatre textes de Freud d'une importance centrale dans son oeuvre : « Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort »» (1915), « Au-delà du principe de plaisir » (1920), « Psychologie des foules et analyse du Moi » (1921), « Le Moi et le Ça » (1923).
Cet ensemble permet de pénétrer au coeur même de la théorie psychanalytique des organisations sociales et d'appréhender les principes de la « seconde topique » freudienne (moi, ça, surmoi).
On y retrouve la réinterprétation de la civilisation engagée par Freud dans Totem et Tabou et les concepts fondamentaux de la nouvelle métapsychologie.
Avant de se mettre au travail, il s'était fixé comme objectif d'écrire une pièce avec peu de personnages, réunis en un seul endroit. L'histoire devait se dérouler sans rupture dans le temps : un programme dramaturgique donc des plus classiques. Malgré la présence de cette unité d'action, de temps et de lieu, Et jamais nous ne serons séparés - comme ses autres pièces - ne ressemble nullement à une pièce classique. Les « mouvements » des personnages sont réduits au minimum. Les phrases clés sont, comme un leitmotiv dans une oeuvre musicale, souvent répétées. Ainsi Fosse crée au théâtre ce qu'on appelle au cinéma des gros plans et des ralentis. Sauf que Fosse n'utilise pas ces moyens d'une façon ponctuelle. Il en fait son style et l'angoisse, l'isolement, cet état entre vie et mort dans lequel ses personnages courent le monde, y trouvent parfaitement leur expression.
«Le 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand a tué sa femme, ses enfants, ses parents, puis tenté, mais en vain, de se tuer lui-même. L'enquête a révélé qu'il n'était pas médecin comme il le prétendait et, chose plus difficile encore à croire, qu'il n'était rien d'autre. Il mentait depuis dix-huit ans, et ce mensonge ne recouvrait rien. Près d'être découvert, il a préféré supprimer ceux dont il ne pouvait supporter le regard. Il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.Je suis entré en relation avec lui, j'ai assisté à son procès. J'ai essayé de raconter précisément, jour après jour, cette vie de solitude, d'imposture et d'absence. D'imaginer ce qui tournait dans sa tête au long des heures vides, sans projet ni témoin, qu'il était supposé passer à son travail et passait en réalité sur des parkings d'autoroute ou dans les forêts du Jura. De comprendre, enfin, ce qui dans une expérience humaine aussi extrême m'a touché de si près et touche, je crois, chacun d'entre nous.»
Prix Médicis étranger 1993, le Léviathan de Paul Auster met en scène un écrivain, Ben Sachs, détourné du cours de son existence par la hantise du mal qui menace le monde en général et l'Amérique en particulier. Or il ne peut mener à terme le roman qu'il a entrepris - «Leviathan» - car l'action terroriste dans laquelle il s'est engagé se retourne contre lui. Peter Aaron, son ami, décide, pour prévenir les mensonges des enquêteurs, de reconstituer et d'écrire l'histoire de Sachs : s'ouvrent alors les pistes les plus étranges, apparaissent les personnages les plus curieux, qui tous, par le talent si singulier de Paul Auster, deviennent autant de figures du destin.
Francesca Woodman est l'une des photographes de la fin du xx siècle les plus influentes, les plus étudiées et les plus citées. Elle a réalisé ses premières photographies alors qu'elle était âgée d'à peine treize ans. Moins de dix ans plus tard, elle laisse une oeuvre qui la fait figurer parmi les artistes américains les plus originaux des années 1970. Ses photographies sensuelles et envoûtantes témoignent de l'influence de la peinture baroque, de l'art moderne et du postminimalisme.
Dans ses oeuvres avec modèles comme dans ses autoportraits parfois troublants, Francesca Woodman défie les conventions de la photographie. S'intéressant au rapport que l'individu entretient avec l'espace et à la manière dont le monde en trois dimensions peut être concilié avec la bidimensionnalité de l'image photographique, l'artiste se livre à de complexes parties de cache-cache avec son appareil photo.
Son oeuvre se distingue notamment par sa façon d'élaborer des énigmes qui prennent le regard du spectateur au piège. Francesca Woodman se représente en train de s'effacer dans une surface plane, se fondre sous le papier peint d'un mur, disparaître dans un plancher ou s'aplatir contre une vitre, opposant constamment la fragilité de son corps au milieu physique qui l'entoure. Fascinée par la transformation et la perméabilité des frontières considérées comme figées, la jeune femme illustre dans son oeuvre le moment délicat entre adolescence et âge adulte, présence et absence.
Cette monographie comprend plus de deux cents photographies des extraits inédits de ses journaux, choisis et présentés par son père, George Woodman. L'ouvrage présente en outre quelques-uns de ses grands diazotypes, ainsi que des reproductions de ses livres d'artiste, dont Some Disordered Interior Geometries, publié en 1981, l'année où la jeune femme mit fin à ses jours. Chris Townsend étudie, à travers un texte détaillé, l'influence qu'ont exercée le roman gothique, le surréalisme, le féminisme et le postminimalisme sur l'art photographique de Francesca Woodman, tout en situant ce dernier par rapport à celui de ses contemporains, tels Cindy Sherman et Richard Prince.
Cet ouvrage confirme la place prépondérante occupée par Francesca Woodman, l'une des artistes américaines les plus talentueuses depuis les années 1970, dont l'influence continue de s'exercer, bien au-delà de son époque.