Une liste toujours à refaire, à reconsidérer, "une liste provisoire, toujours dans l'à venir , sinon il n'y aurait plus de lectures possibles"! Avec à la quatrième place une pièce de théâtre de François Cervantès pas si facile à trouver, Le voyage de Penazar, parue aux éditions Bouffonneries en 2000 !
L'érotisme, la poésie - ou la rencontre de deux émois majeurs.
Dans son Erotisme, Georges Bataille affirme lumineusement : « .La poésie mène au même point que chaque forme de l'érotisme. Elle nous mène à l'éternité. » Si la poésie est bien le « plus haut état de la langue », n'est-elle pas la plus apte à restituer l'émotion érotique, ce plus haut état du corps et du coeur ? Embrasant les mots, la poésie érotique met le feu aux joues et ailleurs. Elle célèbre les sens, libère les énergies, elle chante le plaisir effréné de vivre hors des carcans de toutes sortes, la surabondance vibratoire, le grand jeu des attractions universelles.
Du vertige libertin qui envahit la poésie française aux XVIe siècle jusqu'aux blasons amoureux des surréalistes, de l'érotisme le plus feutré à la pornographie la plus exacerbée, on trouvera ici, en trois cent cinquante poèmes, une anthologie de la volupté sous toutes ses facettes. Un florilège du chavirement, explorant le territoire amoureux dans sa dimension toujours renouvelée. De Ronsard à Rimbaud, de Verlaine à Genet, de Louise Labé à Joyce Mansour, de Sade à Bataille, de Jouve à Calaferte, de Pierre Louÿs à Franck Venaille, de Michel Leiris à Bernard Noël, quelque deux cents poètes, dont un grand nombre de modernes et de contemporains, disent ici l'incroyable besoin d'impudeur qui parfois les saisit.
Ils disent les jeux de la langue et du sexe, avec toutes leurs saveurs, du sucré au salé, de l'implicite à l'explicite. Cette anthologie, qui rassemble ce que la poésie française a produit de plus érotique en cinq siècles, entraîne le lecteur à célébrer Eros en tous ses fastes, lumineux, sombres ou hilarants - Eros émerveillé.
À Mathilde Urrutia[...] Avec grande humilité moi j'ai fait ces sonnets de bois, en leur donnant le son de cette substance opaque et pure, et qu'ils atteignent ainsi tes oreilles. Toi et moi cheminant par bois et sablières, lacs perdus, latitudes de cendres, nous avons recueilli des fragments de bois pur, madriers sujets du va-et-vient de l'eau et de l'intempérie. De ces vestiges à l'extrême adoucis j'ai construit par la hache, le couteau, le canif, ces charpentes d'amour et bâti de petites maisons de quatorze planches pour qu'en elles vivent tes yeux que j'adore et que je chante. Voilà donc mes raisons d'amour et cette centaine est à toi:sonnets de bois qui ne sont là que de cette vie qu'ils te doivent.Octobre 1959.
Traducteur exemplaire, essayiste d'une grande délicatesse, particulièrement voué à l'espace de la calligraphie et de la peinture chinoises, romancier intuitif et profond, François Cheng a également développé une oeuvre de poète qui le révèle tel qu'en lui-même : discret, pudique, attentif aux mouvements des choses, des êtres et du temps. Cette anthologie poétique, la première composée par l'auteur de L'éternité n'est pas de trop, incite à un partage qui délivre, propose un parcours lucide qui se veut à la fois serein et alerté. Tous les poèmes rassemblés par François Cheng ressemblent à des instants fragiles, des envols à peine notés, des méditations légères. Avec eux, le fugace, l'impermanent peuvent devenir des alliés, des amis bénéfiques et transitoires, même si rien ne peut les empêcher de passer. Sans oublier qu'il est toujours un viatique pour les obstacles qui restent à franchir, pour la route qui reste à inventer, pour la beauté qui reste à capter en chacune de ses incarnations, en chacune de ses métamorphoses.
«Que reste-t-il des émotions, des rêves, des désirs quand tout disparaît ? L'homme d'Aden, l'empoisonneur de Harrar sont-ils les mêmes que l'adolescent furieux qui poussa une nuit la porte du café de la rue Madame, son regard sombre passant sur un enfant de neuf ans qui était mon grand-père ? Je marche dans toutes ces rues, j'entends le bruit de mes talons qui résonne dans la nuit, rue Victor-Cousin, rue Serpente, place Maubert, dans les rues de la Contrescarpe. Celui que je cherche n'a plus de nom. Il est moins qu'une ombre, moins qu'une trace, moins qu'un fantôme. Il est en moi comme une vibration, comme un désir, un élan de l'imagination, un rebond du coeur, pour mieux m'envoler. D'ailleurs je prends demain l'avion pour l'autre bout du monde. L'autre extrémité du temps.»
Two households, both alike in dignity, In fair Verona, where we lay our scene, From ancient grudge break to new mutiny, Where civil blood makes civil hands unclean.
From forth the fatal loins of these two foes A pair of star-crossed lovers take their life ;
Whose misadventured piteous overthrows Doth with their death bury their parents' strife.
[...] Deux anciennes Maisons d'égale dignité Dans la belle Vérone où se tient notre scène Font un nouvel éclat de leur antique hargne, Le sang civil salit les mains des citoyens.
Or dans le sein fatal de ces deux ennemis Deux amants prennent vie sous la mauvaise étoile ;
Leur malheureux écroulement très pitoyable Enterre en leur tombeau la haine des parents.
Les terribles moments de leur amour mortel Et l'obstination des rages familiales Que rien sinon la mort des deux enfants n'apaisera, Pendant deux heures nous le jouerons sur ce théâtre ;
Et si vous nous prêtez une patiente oreille, Tout défaut, notre zèle le rachètera.
L'Interzone.Un territoire qui ne figure sur aucune carte, situé quelque part entre New York et Tanger, dédale infini de rues semblable aux méandres du cerveau d'un drogué.Un lieu fantomatique, où se réfugie William Lee après avoir accidentellement tué sa femme. Persuadé d'être un agent secret au centre d'une gigantesque machination, Lee commence à rédiger des rapports pour le compte d'une mystérieuse corporation internationale, communiquant avec elle par l'intermédiaire d'une machine à écrire fort loquace qui se transforme volontiers en cafard...Vertigineuse descente aux enfers de la drogue - de toutes les drogues -, le chef-d'oeuvre de William Burroughs est d'une veine à la fois terrifiante, macabre, et d'un comique presque insoutenable.
Après la guerre de Troie, Ulysse ne retournera pas de sitôt à Ithaque. Héros malmené par les dieux, il erre pendant dix ans de naufrages en catastrophes, jouet de forces qui le dépassent. Il devient ainsi le premier aventurier à explorer les confins du monde pour en rapporter un fabuleux récit. Considérée comme l'un des plus beaux poèmes de l'humanité, l'Odyssée fait partie de ces ouvrages qui ont laissé une empreinte profonde dans la culture occidentale.
Si bien qu'on peut affirmer, avec Pierre Bergounioux, que "le monde n'est plus le même après qu'on a lu l'Odyssée".
En 1940, la France capitule. En 1941, Jacques Lusseyran, alors qu'il est aveugle et n'a pas 18 ans, entre en résistance en rejoignant le mouvement Défense de la France.
Le 20 juillet 1943, il est arrêté par la Gestapo, interrogé pendant des jours interminables et enfermé à Fresnes. Il sera déporté en 1944 à Buchenwald.
Comment un aveugle peut-il survivre à cet enfer ?
Grâce à la protection d'un groupe de Russes et à sa connaissance de l'allemand qui lui permettra d'informer les autres déportés des agissements des S.S.
Après un an et demi d'horreur, il est libéré et revient en France où il poursuivra ses études en affirmant ses aspirations littéraires balayées par la guerre.
Cette autobiographie est un exceptionnel exemple d'amour de la vie, de courage et de liberté intérieure face à l'adversité.
Ce recueil regroupe en particulier des publications antérieures, soit à tirages restreints, soit en plaquettes, éditées entre 1986 et 1995. Il contient : La plaine - Elle - Lyriques - Le matin - De l'oiseau - Le soir - L'innocent - Hôtes de la lumière - Du silence.
Évoquant son recueil, Guillevic disait simplement que ce qui s'exprime là, «c'est ce que vit un vieux poète toujours en révolte contre les à quoi bon». Et les notations abondent qui affirment que «l'âge n'a rien changé», «que le pacte est toujours pareil» et qu'il est «un centre amant de sa propre lumière».
La voix de Guillevic s'entend ici avec cette scansion, cette «frappe» singulière et inimitable qui est sa marque, mais aussi avec des jeux d'échos qui offrent à une expression toujours lapidaire d'infinies résonances.
Si toute l'oeuvre de Jean Genet peut être qualifiée de «poétique», l'auteur de Notre-Dame-des-Fleurs et des Paravents n'a composé que quelques poèmes, tous écrits dans la première période créatrice de sa vie, entre 1942 et 1947.C'est en prison, provoqué par des camarades de cellule qui s'essayaient à imaginer de médiocres pièces sentimentales, que Genet rédigea les strophes du Condamné à mort et la dédicace en prose à Maurice Pilorge. En prison aussi qu'il écrit Marche funèbre, La galère, La parade. Ces poèmes s'apparentent d'ailleurs à des chefs-d'oeuvre de prisonniers, dont la seule possibilité est de fabriquer des ex-votos ou de construire un bateau toutes voiles dehors dans une bouteille.Une différence majeure s'impose pourtant, qui tient à l'époustouflante maîtrise de Genet quant au maniement de la langue et à la faculté qu'il semble avoir de versifier comme en se jouant. Le voyou entend, et il l'a souvent proclamé, user de tout l'attirail classique et de toutes les séductions afférentes, afin d'en pervertir plus radicalement les valeurs et les pompes. La grâce qui hante les poèmes de Genet est celle d'un ange qui s'est volontairement dévoyé. D'où le charme trouble et violent, la fascination séditieuse et irrécupérable qui émanent de ces pages.Cette édition des poèmes de Jean Genet inclut Le funambule, magnifique texte, véritable poème en prose, qui trouve ici sa place, comme en point d'orgue de l'oeuvre poétique donnée dans son entier.
Pourquoi sommes-nous venus à Ouessant l'un et l'autre il y a quarante ans ? Pourquoi y sommes-nous revenus très régulièrement ? En quoi l'île nous a-t-elle aidés et portés, ailleurs, dans nos vies ? Pourquoi le lieu de l'île est-il important dans l'imaginaire ?
Françoise Péron y répond en géographe, Emmanuel Fournier en philosophe. Un livre à deux voix alternées, où se suivent deux expériences s'enrichissant l'une de l'autre, et deux séries de dessins.
Dans cette confrontation de la géographie et de la philosophie, c'est aussi un peu d'Ouessant qui se révèle.
Par une nuit d'hiver en Espagne, sur les hauts plateaux de la province de l'Aragon, une expédition punitive s'abat sur le petit village de Nieves. Tous ses habitants, y compris les femmes et les enfants, sont exécutés et le village est incendié. L'attentat est revendiqué par un groupe politique, les Phalanges de l'Ordre Noir, au nom des « valeurs de l'Occident chrétien ». Le village, haut lieu des affrontements entre républicains et franquistes à la fin des années trente lors de la guerre d'Espagne, venait de voter massivement à gauche lors des dernières élections... Convaincus que ce massacre signe le retour de l'extrême droite qu'ils ont autrefois combattue, un groupe d'anciens des brigades internationales, quarante ans après, se décide à reprendre les armes. De l'Espagne à Suisse en passant par l'Italie, les Pays-Bas et la France, une dizaine d'hommes que l'âge a rendus las, mais toujours fidèles à leurs convictions de jeunesse, vont ainsi donner la chasse à leurs vieux ennemis, jusqu'à l'affrontement final.
Liberté sur parole Là où cessent les frontières, les chemins s'effacent. Là commence le silence. J'avance lentement et je peuple la nuit d'étoiles, de paroles, de la respiration d'une eau lointaine qui m'attend où paraît l'aube. J'invente la veille, la nuit, le jour qui se lève de son lit de pierre et parcourt, yeux limpides, un monde péniblement rêvé. Je soutiens l'arbre, le nuage, le rocher, la mer, pressentiment de joie - inventions qui s'évanouissent et vacillent face à la lumière qui se désagrège. Et puis, les arides montagnes, le hameau d'argile séchée, la réalité minutieuse d'un pirú stupide, de quelques enfants idiots qui me lapident, d'un village rancunier qui me dénonce. J'invente la terreur, l'espoir, le midi - père des délires solaires, des femmes qui châtrent leurs amants d'une heure, des sophismes de la lumière. [...] Là où s'effacent les chemins, où s'achève le silence, j'invente le désespoir, l'esprit qui me conçoit, la main qui me dessine, l'oeil qui me découvre. J'invente l'ami qui m'invente, mon semblable ; et la femme, mon contraire, tour que je couronne d'oriflammes, muraille que mon écume assaille, ville dévastée qui renaît lentement sous la domination de mes yeux. Contre le silence et le vacarme, j'invente la Parole, liberté qui s'invente elle-même et m'invente, chaque jour. Octavio Paz.