« J'ai conçu Paysage histoire comme un objet (un livre) entrecroisant pour les entrechoquer des moments singuliers d'espaces-temps issus de mes travaux photographiques, graphiques et cinématographiques (photogrammes), et liés à des terrains saturés de couches mémorielles sous forme de traces, restes, mais aussi béances. Le récit personnel qui s'élabore là conjugue des pratiques d'arpenteur, d'archéologue et d'historien sous une forme intermédiale que j'entends qualifier de « livre-film », car le montage y assume délibérément l'hétérogénéité des lieux convoqués, des temps historiques, voire des supports, mais s'attache à relier les images par le biais de consonances visuelles qui sont autant d'échos d'histoire. » Claire Angelini
Le livre propose une cohabitation. D'une part un texte inédit d'une écrivaine au plus près des choses et des moments de la campagne, d'autre part des dessins originaux d'une artiste plasticienne qui est aussi cinéaste. Le dispositif initial est posé : à quatre mains. L'une dessine, l'autre écrit. Les deux ensembles se nouent via l'articulation souterraine de l'Histoire, qui, le soir du 14 juillet 2016 à Nice, a traversé les deux femmes chacune de leur côté.
Pour dessiner un ensemble qui puisse rencontrer le texte, il faut reprendre sa situation de travail, dans le Cantal, en Auvergne, une maison, de la campagne, de la paysannerie vivace, des histoires, l'histoire. En écho à cela, le Jura, la maison d'une famille paysanne et ouvrière hantée de restes et de traces et Nice, autre maison et lieu d'enfance.
Marie-Hélène Lafon note par le menu, dans un vrai-faux journal en treize fragments, les moments d'un été dans une campagne dans la Nièvre. Un motif par fragment et une poignée de motifs, un panier d'osier, un hélicoptère, des chaises-longues, un paysan-maçon, un blaireau, un mot, surgis jour après jour de l'inépuisable réel. Les étés débordent, les vies débordent, sont mêlées, emmêlées. Les coutures étriquées de l'autobiographie craquent.
Claire Angelini saisit dans neuf dessins des morceaux de ce même été dans une campagne frontalière du Jura, propose une vision graphique, à la fois observation et interprétation. Ce qui est recherché en termes de dessin n'est pas de l'ordre de l'illustration ou du reflet, mais de l'analogie. A partir de moments visuels choisis au sein de ce monde campagnard et familier, il s'agit de composer une proposition graphique, organique, qui relèverait à la fois de l'observation et de l'interprétation.
Il ne s'agit donc pas d'un commentaire d'écrivain sur une série dessinée. Et pas plus, d'une illustration par le dessin d'un texte existant. Les deux dispositifs sont éprouvés, inscrits qu'ils sont dans l'histoire longue des textes et des illustrations.
Drancy la muette est un projet transversal qui convoque la photographie, l'archive, le texte, le dessin, pour interroger un espace patrimonial spécifique de la région parisienne et emblématique de l'urbanisme français, la Cité de la Muette à Drancy. Claire Angelini et Yannick Haenel arpentent la cité et font parler les documents et les lieux. Lors de ces flâneries cauchemardesques ils restituent la parole à l'Histoire, refoulée et trop longtemps sans voix, et lézardent la façade d'un récit lisse et aménagé.