Été 1969. Skip tourne les pages du journal et s'arrête sur une annonce : « Perdu 16 juillet après-midi quartier Champs-Élysées, anneau argent avec inscription : Katerine-6-5-9. Forte récompense. Répondre au journal qui transmettra ».
Pas besoin de vérifier dans sa poche intérieure, cette alliance, il l'a subtilisée. Il avait flairé le bon coup, avait été déçu de ne pas trouver de portefeuille ou de montre. L'alliance, elle, était venue toute seule bien que cette manipulation soit parmi les plus difficiles pour un pickpocket. Skip pourrait obtenir un beau pactole en la restituant mais prend peur quand il s'aperçoit qu'il a détroussé Grégoire Molyneux, un caïd des affaires et de la finance. Et Katerine, quel genre d'épouse est-elle ? Skip d'ordinaire se contente de croiser ses victimes, il ne les suit pas. C'est pourtant ce qu'il fait en emboîtant le pas de Katerine. En épiant les Molyneux, il dérobe désormais une partie de leur vie. Quitte à révéler la sienne.
Le sens de l'observation est essentiel quand on est pickpocket. Jean-Hubert Gailliot le possède aussi, au plus haut degré, en recréant de manière frappante l'ambiance du Paris de la fin des années 1960. Mêlant roman noir et étude de moeurs, il fait se croiser deux mondes qui habituellement ne se mélangent pas, celui des bourgeois et celui des voyous.
"Je traînais mon ennui et ma peine le long de la côte catalane. Tout a changé le jour où je suis tombé sur Kepler, Natsumi, le Rintintin et Denise. Ces quatre-là s'enrichissaient en s'amusant. Ils vivaient cachés dans leur repaire de Cadaqués ou sur leur bateau de contrebandiers, par esprit de fronde, pour continuer les jeux de l'enfance. L'important, disaient-ils, est de bien faire la nuance entre s'affranchir de la loi et enfreindre la loi".
Kepler, Natsumi, le Rintintin et Denise sont des bandits un peu particuliers, plus proches du dandysme que du crime organisé. Leur but : créer le maximum de désordre partout où ils passent. Parmi leurs terrains de jeux favoris : la Société des Bains de Mer et son casino, à Monte-Carlo. Charmeurs, ultra professionnels, ils vivent aux marges d'une société dont ils méprisent les valeurs, tout en jouissant sans complexe des avantages qu'elle leur procure. Leur goût pour la mystification, leur talent pour le déguisement et l'imposture n'ont d'égal que leur obstination à débusquer le mensonge, l'injustice et la vulgarité.
Roman d'aventures, fable politique, Actions spéciales est avant tout un formidable éloge de l'audace et du panache.
Mandaté par une amie éditrice, Alexandre Varlop se lance à la recherche d'un manuscrit volé par un groupe d'enfants en 1961, Le Soleil, sur l'île grecque de Mykonos. Depuis, une légende circule : Le Soleil serait un « absolu de la littérature ». Cependant, personne ne sait où il se trouve, ce qu'il contient, ni qui en est l'auteur. Déboussolé par ces questions, Varlop s'égare. Son enquête, dont l'objet semble parfois se fondre dans une rêverie fantastique, le conduit finalement à Formentera, où il percera le secret du manuscrit.
A 180 km/h sur l'autoroute Lille-Paris, au volant d'une Volvo volée à son directeur d'école, Tom file vers le Sud. Sa destination : une fête. Au rythme d'une musique endiablée, il traverse la France comme il rêve de faire sa vie, à fond. Un roman électrique sur l'adolescence, ses rages et ses doutes.
D'un séjour à Harlem, Jean-Hubert Gailliot a rapporté une vision singulière : celle d'une cité bouleversée par un nouveau mixage entre les cultures et les communautés. Les garçons noirs déambulent au bras de jeunes asiatiques dans les rues saturées « par la bande-son la plus agressive jamais diffusée en milieu urbain » et littéralement embrasées par la pyrotechnie publicitaire «abolissant toute distinction entre le dedans et le dehors».
Un 31 décembre, au terme d'une dérive de plusieurs jours sur la Costa del Sol, un homme franchit en voiture la vitrine d'un restaurant bondé de Malaga, à l'heure où l'on fête le Nouvel An.
Le roman, qui débute aussitôt après cette scène, explore l'état dans lequel se trouve alors projeté l'accidenté. Un intermonde où toutes les frontières semblent avoir été déplacées. Ce monde est celui des contrebandiers.
Les oeuvres d'imagination et la technologie ne se contentent plus d'affecter notre perception et d'influer sur le cours de nos existences, elles peuvent désormais créer de toutes pièces la réalité au sein de laquelle nous évoluons.
Au moment où nous sommes supposés n'avoir jamais été aussi libres, disparaît le monde dans lequel cette liberté aurait pu s'exercer. Les hommes s'évadaient dans des fictions, ils doivent désormais s'évader de la fiction. Pour aller où ?
QUAND J. G. BALLARD RENCONTRE LA BEAT GENERATION
1958 : « Maintenant c'est joué. L'hacienda, tu ne la verras pas. Elle n'existe pas. Il faut construire l'hacienda. »( Internationale Situationniste, n° 1).
1982 : Ouverture à Manchester de L'Hacienda, une célèbre boîte de nuit.
Années 2000 : premiers épisodes d'une nouvelle série télévisée, L'Hacienda. On y perçoit les échos dénaturés d'un demi-siècle d'histoire de la contre-culture.
L'Hacienda est l'un des programmes favoris du narrateur de ce roman, Benjy, collectionneur paranoïaque d'émissions de télé, dans lesquelles il traque les signes d'une apocalypse annoncée. Vol d'une arme dans un club de tir, déchéance d'une actrice de séries Z, théories sur la clochardisation de l'Occident, musée-clinique où on enferme des vedettes tels sont quelques-uns des sujets qui défilent devant ses yeux et excitent son imagination, mi-démente, mi-visionnaire.
L'Hacienda décrit un monde le nôtre où « les rêves sont devenus réalité, puis la réalité cauchemar ».
En confessant son goût pour les petits garçons, Michael Jackson a achevé de se détrôner. Comment restaurer l'image du Roi de la Pop ? C'est la mission que les avocats de l'artiste confient à Jean-Hubert, pensionnaire momifié de l'Hacienda, un musée-clinique d'où il est " extrait " pour l'occasion, en qualité de jacksonien émérite et d'aficionado notoire. Qui est le vrai Michael Jackson ? Un martyr ou un prophète ? Un être candide ou un vieux jeune homme obscène ? Bambi ou Frankenstein ? Le narrateur embarque alors avec la star pour un extravagant voyage dans l'espace, à bord de son jet privé. Il se frotte au jeu de la vérité puis se perd quand il s'agit de démêler la fiction de la réalité. Mené tambour battant et soutenu par un style électrique, le récit de leur équipée aéronautique se double d'un plaidoyer en forme d'histoire édifiante. Jean-Hubert Gailliot y poursuit la vertigineuse mise en question des apparences entreprise avec ses livres précédents, tout en rendant, une fois de plus, un brillant hommage aux écrivains qui lui sont chers : Edgar Poe, Joyce Carol Oates, Adolfo Bioy Casares, J.G. Ballard...