La cour est vide. La maison est fermée. Claire sait où est la clef, sous une ardoise, derrière l'érable, mais elle n'entre pas dans la maison. Elle n'y entrera plus. Elle serait venue même sous la pluie, même si l'après-midi avait été battue de vent froid et mouillé comme c'est parfois le cas aux approches de la Toussaint, mais elle a de la chance ; elle pense exactement ça, qu'elle a de la chance avec la lumière d'octobre, la cour de la maison, l'érable, la balançoire, et le feulement de la Santoire qui monte jusqu'à elle dans l'air chaud et bleu.
Années 1960. Isabelle, Claire et Gilles vivent dans la vallée de la Santoire, avec la mère et le père. La ferme est isolée de tous.
Le fils, c'est André. Le père, c'est l'Absent. La mère, c'est Gabrielle. Mais André est élevé par Hélène, la soeur de Gabrielle, et son mari. Il grandit au milieu de ses cousines.
Chaque été, il retrouve sa mère biologique qui vient passer ses vacances en famille.
De Saint-Céré dans le Lot en passant par Chanterelle et Aurillac jusqu'à Paris, Marie-Hélène Lafon nous transporte à nouveau au coeur d'une famille. Elle décrypte aussi bien ses bonheurs ordinaires que le poids du manque le plus profond, celui qui creuse des galeries dans les vies, sous les silences.
André n'a de cesse de mendier le père, de cerner les contours de son absence, d'attendre, de guetter, de laisser le temps s'étirer, de se cogner à l'urgence, de composer un portrait en indices et de comprendre en creux qui il a été : un avare du coeur, plein de lui-même, pétri de morgue, étroit, mesquin, beau et aimé par les femmes.
Avec ce nouveau texte, l'auteure confirme la place si particulière qu'elle occupe aujourd'hui dans le paysage de la littérature française. Toujours aussi puissante, son écriture reste limpide et fluide.
Mo travaille au centre commercial. Il est le dernier fils, le gardien de la mère depuis la mort du père. Jusqu'au jour où il rencontre Maria.
Joseph est ouvrier agricole dans une ferme du Cantal. Il a bientôt soixante ans. Il connaît les fermes de son pays, et leurs histoires. Il est doux, silencieux. Il a aimé Sylvie, un été, il avait trente ans. Elle n'était pas d'ici et avait beaucoup souffert, avec et par les hommes. Elle pensait se consoler avec lui, mais Joseph a payé pour tous. Sylvie est partie au milieu de l'hiver avec un autre. Joseph s'est mis à boire, comme on tombe dans un trou.
Joseph a un frère, marié, plus beau et entreprenant, qui est allé faire sa vie ailleurs et qui, à la mort du père, a emmené la mère vivre dans sa maison. Joseph reste seul et finira seul. Il est un témoin, un voyeur de la vie des autres.
Éric savait par coeur certaines annonces choisies, Célibataire quarante-quatre ans un mètre soixante-sept soixante-neuf kilos sans enfants chauffeur agriculteur cherche jeune femme aimant campagne voulant fonder un foyer heureux désirant enfants ; ou encore, Cherche compagne cinquante soixante-deux ans féminine (bien bustée) sans attaches pour vie alternée Paris campagne.Paul, quarante-six ans, paysan à Fridières, Cantal, ne veut pas finir seul.Annette, trente-sept ans, vit à Bailleul dans le Nord avec son fils. Elle n'a jamais eu de vrai métier. Elle a aimé Didier, le père d'Éric, mais ça n'a servi à rien. Elle doit s'en aller. Recommencer ailleurs. Elle répond à l'annonce que Paul a passée.L'Annonce de Marie-Hélène Lafon raconte leur rencontre et leur histoire. C'est une histoire d'amour.
« J'ai l'oeil, je n'oublie à peu près rien, ce que j'ai oublié, je l'invente. J'ai toujours fait ça, comme ça, c'était mon rôle dans la famille, jusqu'à la mort de la grand-mère Lucie, la vraie mort, la seconde. Elle ne voulait personne d'autre pour lui raconter, elle disait qu'avec moi elle voyait mieux qu'avant son attaque. » Le Franprix de la rue du Rendez-vous, à Paris. Ils sont trois : une femme, qui regarde ; Gordana, une caissière ; et l'homme encore jeune qui s'obstine à passer en caisse 4, celle de Gordana, chaque vendredi matin. Cette femme qui regarde, Jeanne Santoire, est celle qui dit « je ». C'est par elle que tout existe. Elle imagine, suppose, une vie, des vies, au présent, au futur et au passé, pour Gordana et pour l'homme.
Elle creuse aussi des galeries dans sa propre vie qu'elle revisite et recompose. On apprendra qu'elle est fille de commerçants de province, a eu une grandmère aveugle, a exercé le métier de comptable, a aimé un homme et que cet homme est parti.
Nos vies, nouvel opus de Marie-Hélène Lafon, raconte les solitudes urbaines. Ce texte a comme point de départ une nouvelle, Gordana, publiée au Chemin de fer (2012). Depuis Le Soir du chien, son premier roman (2001), Marie-Hélène Lafon construit une oeuvre exigeante qui, livre après livre, séduit un large public.
Fille de paysans, Claire monte à Paris pour étudier. Elle n'oublie rien du monde premier et apprend la ville où elle fera sa vie.
Les Santoire, le frère et la soeur, sont la quatrième et dernière génération. En face de chez eux, de l'autre côté de la route, prolifère la tribu des voisins. Sentinelles muettes, les Santoire contemplent la vie des autres, les vrais vivants.
Laurent a aimé Marlène. Elle n'est plus là. Il faut continuer à vivre.
Dans la vie d'un lecteur, certains auteurs occupent une place à part : lectures inaugurales, compagnons de tous les jours, sources auxquelles on revient. La collection « Les auteurs de ma vie » invite de grands écrivains d'aujourd'hui à partager leur admiration pour un classique, dont la lecture a particulièrement compté pour eux.
« Flaubert à cheval.
Flaubert fut beau.
Flaubert fut jeune.
Jeune. Glorieux. Blond, bouclé. Grand et bien fait.
Flaubert eut mal aux dents.
Il fut foudroyé à dix-sept ans sur le chemin de Pont-l'Évêque ; on ne sait pas bien par quoi il fut foudroyé ; il le fut et il échappa au Droit et il put commencer à devenir.
Flaubert est inépuisable.
Flaubert for ever. » Marie-Hélène Lafon
C'est un abécédaire choisi. Il va de Arbres à Vaches en passant par Chemins, Journal, ou Tracteurs. Ce serait l'os des choses, leur velours ; et comme une déclaration d'amour répétée vingt-six fois.
Le présent volume rassemble la totalité des nouvelles de l'auteur publiées chez Buchet/Chastel (deux recueils : Liturgie 2002, et Organes 2006). Opus suivi de : Bon en émotion, et La Maison Santoire (nouvelles publiées par ailleurs et épuisées).
Un livre à offrir pour découvrir, ou redécouvrir, un autre aspect de l'oeuvre de Marie-Hélène Lafon. (Les deux recueils publiés chez Buchet n'existent pas au format poche.)
Rémi a grandi avec ses soeurs dans une ferme au bout du monde. Il invente maintenant sa vie à Paris avec Isabelle et Louise.
Jeanne tint dans ses mains des livres dont nul, avant elle, dans la litanie paysanne des siens, n'avait su, soupçonné, ou espéré l'existence.
Quelques-uns, ou quelques-unes, sans doute, avaient, avant elle, mâchonné des lettres indécises, vaguement apprises, lentement dégluties et oubliées, tombées dans la désuétude certaine de ce qui ne nourrit pas. Les livres n'étaient pas dans la mémoire des siens, pas du côté de son sang. Livre, plutôt que recueil de nouvelles, Liturgie est un bloc, un corps, un seul, taillé dans la chair des mots.
« Ils ne voient jamais les taupes. Ils se demandent comment elles sont et les imaginent velues et aveugles, le squelette infime et malléable, grasses sous la fourrure prune ou violine, munies de pattes courtes et véloces. Ces pattes seraient palmées, elles n'auraient pas d'oreille et presque pas d'yeux, à peine deux fentes pâles, elles percevraient par d'autres moyens, de singuliers truchements très souterrains, des sens inédits. Leur chair serait molle et leurs corps souples épouseraient les courbes de leurs galeries obscures, galeries harassantes, toujours recommencées, menacées d'éboulements cataclysmiques, de fissures compromettantes, d'inondations, de gluance galopante, d'effondrements radicaux, d'écrasement total. »
Après Liturgie, Organes est le deuxième recueil de nouvelles de l'auteur.
Ils sont un, deux, trois, entre huit et treize ans, petit mâle ou femelle en devenir. Jetés dans le monde, ils sont seuls même à plusieurs. Comment sort-on de la brutalité de l'enfanceoe Dans ces pages, le sexe et la mort sont partout, comme en embuscade, dans les organes devinés sous les mots des femmes, dans un corset qui enserre, dans la fente de la tirelire-totem, dans la robe de la
mère, et dans le corps blanc de l'amoureuse rêvée...
Marie-Hélène Lafon excelle dans la forme brève. Ce qui compte et ce qui frappe, c'est la langue. Au lecteur de se laisser prendre aux anneaux du style - précis et sensuel et de savourer ces onze récits d'enfances.