1946. Un journaliste erre dans les ruines des villes allemandes anéanties par les bombardements. Il se nomme Stig Dagerman, il est là pour les besoins d'un reportage mais il est avant tout écrivain. Quelques semaines durant, il va observer, questionner, descendre dans les caves à la rencontre de ceux qui s'y terrent, s'interrogeant lui-même, méditant sur la souffrance et l'angoisse, la haine et la culpabilité. Peu à peu prend forme Automne allemand, ce livre qui, depuis sa parution chez Actes Sud en 1980, n'a cessé de s'imposer comme un témoignage de première force sur les conséquences de la défaite allemande et le destin de l'Europe.
Au coeur du monde de Dagerman règne la peur. Elle nous saute au visage dès les premières pages du livre. Le serpent est la matérialisation de cette peur:il y a le serpent capturé par Bill, soldat de deuxième classe, et qui lui sert à s'imposer à son entourage; il y a le serpent qui, rapporté à la caserne par un des soldats, s'échappe de sa prison et plonge dans la terreur la poignée d'hommes restés dans cet immense bâtiment poussièreux et vide après le départ du régiment aux grandes manoeuvres. Est-ce le même? Cela n'a guère d'importance. Seule importe sa présence, la présence de la peur... Une oeuvre angoissée.
Paru en français pour la première fois dans Les lettres nouvelles de Maurice Nadeau en 1959, Dieu rend visite à Newton n'avait pas été réédité depuis 1976.
Le soir de sa mort, Newton reçoit la visite de Dieu qui s'annonce d'abord par un miracle en faisant croire au physicien que la loi de la gravitation n'existe plus. Au terme d'une discussion avec le Créateur, Newton propose à Dieu de le transformer en être humain pour qu'il puisse enfin éprouver la vie de ses créatures.
Cette nouvelle est le seul projet abouti que Stig Dagerman mena dans la période de silence littéraire qui marque les dernières années de sa vie. Ce devait être l'introduction d'un roman consacré à Almqvist, grand écrivain suédois du XIXe siècle. Fable sur le pouvoir, la loi divine et les lois humaines, Dieu rend visite à Newton pose avec acuité de multiples enjeux philosophiques et politiques : Dieu devenu humain doit, pour rejoindre ses créatures passer par une série d'épreuves initiatiques où il apprendra tour à tour l'humilité, la peur, la douleur ; Newton, figure symbolique du scientifique, prend la place du Créateur au moment de mourir, c'est désormais la science qui accomplit les miracles ; quant à Dieu, aussi bien disparaît-il puisqu'il devient un simple marin.