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william cliff
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William Cliff (né à Gembloux en 1940) est l'un des poètes les plus singuliers de l'actuel champ poétique belge. Usant d'une forme ostensiblement classique, il réussit, par les situations et les thèmes abordés, à créer de parfaits objets de scandale. Il a le verbe violent et voyou, l'inspiration à l'affût des désirs quotidiens, en tous lieux et en tous pays. Les voyages, avec leur part d'errances et de rencontres imprévues, donnent le mouvement et le cadre de ce livre double qui vagabonde et passe du continent américain aux contrées d'Asie. Ainsi America est composé de poèmes inspirés par deux longs séjours en Amérique du Sud et deux voyages aux États-Unis. «Tavalera» décrit en alexandrins la traversée vers l'Amérique du Sud à bord d'un cargo allemand qui porte ce nom. Puis viennent «Montevideo» et «Cone Sud». William Cliff évoque les plages, les bidonvilles, ses brèves rencontres homosexuelles. Dans les deux dernières parties, «Philadelphie» et «Cape Cod», il raconte les étapes de son périple aux États-Unis. Dans cette déambulation de poète voyageur, William Cliff est à son meilleur. Le Nouveau Monde lui inspire des images aussi désolées que l'Ancien. Il est désespéré, grinçant, funèbre et malgré tout drôle. Dès les premières pages, on reconnaît un ton, une allure, une désinvolture révoltée qui n'appartiennent qu'à celui qui avoue pratiquer l'alexandrin «comme on gratte dans son nez pour s'occuper». William Cliff : un dynamiteur de pensées molles et de comportements convenus, un maître du langage impeccablement dévoyé.
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C'est un chemin ample, et parfaitement cadencé, que William Cliff nous propose d'emprunter avec lui dans ce nouveau livre des origines. Avec le sonnet comme exigeante charpente formelle, il transporte page après page la simplicité puissante de son univers au rythme tranquille de sa langue limpide, rocailleuse et charnue. Des destins commence par revenir sur son enfance dans la petite ville wallonne de Gembloux, brossant les portraits intimes, souvent caustiques, de quelques-uns de ses proches. Il y a sa marraine - «une femme despotique qui avait mal au foie et criait son malheur», son parrain - «mon oncle bien-aimé qui a cessé de respirer / et dont le corps est cadenassé dans un coffre bien fermé», et de sa bonne-Maman, lectrice de romans policiers et fumeuse de tabac égyptien. Chacun a nourri à sa façon le destin poétique de l'auteur. Puis, la généalogie familiale laisse place à l'évocation de premiers émois érotiques auprès des garçons du village et du pensionnat, bientôt entremêlées de récits amoureux de l'âge adulte. Portée par un allant méditatif et la grande souplesse du vers, une sagesse désabusée et amusée se glisse dans les interstices de sa poésie narrative, entre un hommage à Baudelaire et un autre à Walt Whitman. La conscience du temps qui file surgit dans la banalité de scènes quotidiennes - un retour de nuit arrosée, une méchante chute sur les pavés - tandis que le poète solitaire voit la vie et la mort se tenir main dans la main, partout, dans la texture étrange des rencontres et des choses. Ainsi «la putrescence des oignons quand vient l'été / est nécessaire pour la floraison des fleurs / lesquelles fécondées donneront la jetée / des semences perdues au fond des profondeurs».
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Espace Nord nous propose de plonger ou de replonger dans la langue et dans l'oeuvre de William Cliff, considéré comme le plus grand poète belge contemporain, à travers une anthologie regroupant des textes issus de différentes publications, qui pour certaines ne sont plus disponibles, et permettant d'avoir une vision d'ensemble de l'immense travail de ce poète.
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Par deux fois déjà, le poète William Cliff, Belge au beau nom de pirate, a fait halte au Dilettante, le temps d'y poser son sac, nous offrant, mains fiévreuses et regard ébloui, provende de poèmes et volée de beaux vers, le reposoir de son coeur et l'élixir de ses souffrances : avec Conrad Detrez, ce fut l'hommage à l'ami disparu; Amour Perdu évoque, d'élans soudains en fougueuses escapade, des amours mâles qui jalonnent sa route et ponctuent ses heures. Avec Au Nord de Mogador, assidu toujours à jouer de la rime et à régler son vers comme on touche de l'épinette ou jongle du couteau, William Cliff assemble un herbier d'instants, dévide une corde où chaque noeud sert à marquer la vitesse de la vie, ses cadences rudes, ses points de force. Il nous y parle, dans une langue qui est celle de Maurice Scève, du Shakespeare des Sonnets ou d'Apollinaire, de villes ou de pinsons, de regards échangés et du poids de la terre, de menus instants qui illuminent le monde, de l'église Saint-Merri, d'un avion pour Philadelphie, d'un prince dans une gare croisé ou d'une panne d'électricité. Des moments sertis dans le vers, des lueurs prises dans l'ambre du mot qui font de William Cliff, là comme un tas de viande surannée / transpercé par le cri d'un oiseau forcené, un poète absolument contemporain.
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Quoi de plus doux pour apprendre quelqu'un / que de connaître son organe intime. Et le poète William Cliff de prendre le large, en skipper subtil, sur la grande mer des corps virils, d'aller, promeneur solitaire, narine aux vents et mains de sourcier, taillant la route des roideurs et des spasmes, cap sur les visages donnés et les élans offerts au détour de soudaines rencontres. S'engouffrant à perte de corps dans l'obscurité de certaines salles au fumet fétide, aux fauteuils défoncés, mais au voisinage délicieux, accostant aux bars de la nuit pour quelques contacts fugaces, à Philadelphie ou Viña del Mar, New York ou Bruxelles, William Cliff,?beau héros abreuvé d'abjection au fil de poèmes néoélisabéthains, ciselés et d'une délicatesse glorieuse, narre le membre frémissant de l'hôte d'un soir, les cuisses du louveteau, l'orteil de l'amant, les douces muqueuses : car dans la vie on aime que nous happent / certaines choses un peu dégoûtantes / qui nous font sortir de l'ennui ordinaire. Une quête des corps amoureux qui délivre de ce cafard qui encrasse les jours et dont le soleil, dieu de flamme qui sourit aux heureux et frappe ceux qu'il damne, ne nous délivre pas. Plus de vingt-cinq ans après son tombeau de Conrad Detrez, William Cliff fait retour au Dilettante pour un nouveau cahier de poèmes qui tente de prendre aux rets du mètre classique les fuyantes extases de l'amour masculin et de garder encore l'enfance d'un corps promis à la mort : Salut à toi, beauté, que la rue m'a fait voir !
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On retrouve dans ce nouveau livre le monde révélé par Homo Sum, paru dans les Cahiers de poésie en 1973 et par Écrasez-le, paru en 1974. C'est la même errance sarcastique, l'obsession d'une homosexualité agressivement réaliste, le journal de bord d'un marginal qui ne se donne d'autre règle que celle de versifier en alexandrins. Cet alliage d'un fonds très noir et scandaleux et d'une forme très rythmée et classique fait l'originalité de cette poésie et lui donne une force explosive. Un monde d'une tristesse absolue mis en musique sur un rythme moqueur de ritournelle. C'est une façon finalement pudique de dire son malheur, de faire entendre sa plainte.
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Un jeune homme prend l'avion pour la première fois de sa vie et se lance dans un « audacieux voyage », sans tabous ni clichés. Au gré de son humeur et de ses rencontres, il arpente New York, Boston, San Francisco. Les grands espaces, les marches éreintantes et puis aussi une fascination, un sourire, une lumière, qui rafraîchissent et donnent de l'élan...
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On retrouve dans ces sonnets l'inspiration habituelle de William Cliff, essentiellement autobiographique : l'enfance et la jeunesse wallonne, - avec des aperçus sur l'histoire récente de la Belgique comme la querelle linguistique -, le goût de l'errance, une galerie de personnages hauts en couleur, dans une tradition breughélienne mais avec en plus une manière de mélanger le sordide et le somptueux qui fait toute l'originalité du poète.
On retrouve aussi le rapport complexe, éminemment ca- tholique, à la religion comme contrainte mais aussi comme fonds culturel indépassable et indépassé, permettant de jouir de la culpabilité comme d'un piment supplémentaire dans le désir, notamment homosexuel.
Le corps, comme souvent chez Cliff, occupe une place importante. C'est le corps souffrant de la maladie, le corps grotesque qui ne sait plus s'il exulte ou s'il s'abîme dans ce que Bakhtine, à propos de Rabelais, appelait le « bas corporel », et enfin le corps glorieux du poète qui atteint, par éclats, à l'immortalité du créateur.
Cliff allie l'archaïque des danses macabres à la modernité médicale, et ce jeu entre le contemporain et le médiéval s'étend à tout son univers, aux décors dans lesquels il évo- lue où le chant du rossignol passe grâce à un téléphone portable et où se rejoignent des considérations sur les ta- blettes informatiques, les joints, la révolution et la rudesse de la vie en Wallonie dans les années 1950.
Virtuose, Cliff compose Matières fermées comme un unique poème, avec de subtiles variations de rythme en parallèle à une ligne mélodique unique et entêtante. On peut ainsi lire ces sonnets comme un roman en vers mais aussi comme un recueil où l'on pourrait picorer au hasard, servi par une langue qui n'appartient qu'à lui, immédia- tement reconnaissable : les tournures anciennes ou typi- quement belges se mêlent à une syntaxe plus moderne, et un maniérisme semblable à la poésie baroque du XVI e siècle se confond avec un argot contemporain.
La rime et l'alexandrin deviennent un moyen de jouer iro- niquement avec la langue et de renforcer un certain hu- mour, une certaine distance qui se confond de manière harmonieuse et habile avec un vrai lyrisme : « langage très ancien qui depuis tant de siècles/s'articule en dansant en syllabes espiègles. »
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Voilà Cliff meilleur qu'il ne fût jamais. Il y a toujours ce contraste entre le vers régulier très sage et la mélancolie voyoue, entre les bonnes
manières de l'alexandrin et des rimes, et les façons désinvoltes d'un traîne-trottoir, d'un vagabond des nuits. Le thème central c'est une
«vanité des vanités» ironique, un nihilisme narquois, une tristesse baladeuse traversée de pointes d'humour jaune et nuit. Les soixante
poèmes du recueil sont comme une suite en désespoir qui ne veut pas dire son nom. -
«Il n'est pas du tout caressant, séducteur, enjôlant, William Cliff. Ce Leopardi du trottoir, cet Ecclésiaste mal élevé, plein de mots crus, de mots-crasse. Tout ça dit dans la versification la plus pointilleuse, maniaquement régulière, en vers bien sages et mesurés, comme si François Coppée s'était donné pour thème : une soirée de masturbation au coin d'un feu triste, l'odeur forte d'une fille, la lame du rasoir sur la peau le matin, un garçon en blue-jean qui attend le bus, et le néant burlesque, qui manque de drapé et manque de manières.» Claude Roy.
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« Dans Immense existence, l'électricité propre à William Cliff produit de nouveau ce sourd rayonnement de lampe de poche qui se promène dans les recoins obscurs ou négligés des sentiments et de la vie. Elle les éclaire furtivement, comme pour ne pas effrayer leurs ombres, mais leur donne un relief en creux, d'une vérité troublante. »
Jacques Réda.
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Le Temps pourrait finalement être le titre général de l'oeuvre, abondante et généreuse comme une fête breughélienne, du merveilleux et facétieux rimailleur wallon William Cliff.
Le temps dont il est question ici, c'est celui perdu et retrouvé de l'éternel explorateur de lui-même et du monde qu'est William Cliff, maître de la prosodie fantasque, subtil docteur de la rime et de l'assonance, enchanteur qui sait varier ses métamorphoses en créant le rythme entêtant qui vous invitera à le suivre là où il veut vous emmener, en l'occurrence sur les chemins de sa jeunesse extravagante : locataire improbable d'une mansarde bruxelloise où le précédent occupant a laissé ses seringues de toxicomane, professeur sans vocation dans un lycée plein de jolis garçons, inspecté plus qu'à son tour pour sa désinvolture pédagogique, oscillant entre la recherche d'un radiateur à gaz pour se réchauffer et l'épuisement d'une canicule sous les toits. Mais le poète s'en tire toujours, fragile et joyeux. L'inspecteur lui pardonne puisqu'il lit Rimbaud à ses élèves et célèbre avec eux l'aube d'été qu'on embrasse à pleine bouche.
Comme Raymond Queneau dans Chêne et Chien ou Georges Perros dans La Vie ordinaire, William Cliff s'inscrit dans la tradition des autobiographes de la strophe qui réconcilient la poésie et la narration. Et le sarcasme et l'autodérision, ici, se livrent à une partie serrée et sans vainqueur avec la nostalgie et le lyrisme provocateur.
Le Temps est complété par un codicille de 1996, un long poème sur Notre-Dame, adresse parnassienne et prophétique à cette cathédrale que Cliff aime parce qu'elle est « ferme et tranquille au milieu des ravages », comme un amer dans une existence flottante et incertaine.
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America est composé de poèmes inspirés à William Cliff par deux longs séjours en Amérique du Sud et deux voyages aux États-Unis. Tavalera décrit en alexandrins la traversée vers l'Amérique du Sud à bord d'un cargo allemand qui porte ce nom. Puis viennent Montevideo et Cône Sud. William Cliff évoque les plages, les bidonvilles, ses brèves aventures homosexuelles. Dans les deux dernières parties, Philadelphie et Cape Cod, il raconte les étapes de son vagabondage aux États-Unis. Dans ce tourisme de poète vagabond, on retrouve William Cliff à son meilleur. Le Nouveau Monde lui inspire des images aussi désolées que l'Ancien. Il est désespéré, grinçant, funèbre et malgré tout drôle. Dès les premières pages, on reconnaît ce poète qui ne ressemble à aucun autre.
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Ce recueil est le journal de bord d'un voyageur en Orient, sous forme de poèmes. Lahore, Bénarès, Juhu-Beach, l'Égypte, Belgrade, l'Anatolie, tel est son itinéraire. À Alexandrie, il rend un bel hommage à Cavafis, en visitant la chambre où il est mort dans la misère. La partie sur l'Égypte se termine d'ailleurs par un très beau poème sur la mort. L'Orient de William Cliff est à la fois tendre et pouilleux, plein de poussière et de résignation. C'est la vision d'un vagabond impécunieux qui révèle un aspect ordinairement négligé ou caché de ces contrées dites pittoresques. Il nous la restitue avec des couleurs fines, comme usées par le soleil, en l'accompagnant d'une voix qui ne hausse jamais le ton et tempère l'amertume et la tristesse par de légères pointes d'ironie.
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«Je suis né au début de la dernière guerre, au cours d'un hiver terriblement froid. Ma mère me portait déjà en elle alors qu'elle fuyait sur les routes de France avec les hordes de la débâcle. Le mot qui revenait sans cesse dans ses récits était "la peur", une peur qui vous prend dans le ventre et vous fait fuir absurdement n'importe où. Dès que la France eut capitulé, mon père a décidé de rentrer. C'est ainsi qu'au lieu de naître sous le chaud soleil du Midi, j'ai senti sur ma peau d'enfant nouveau-né le froid mordant de l'hiver du Nord. Ma mère avait déjà trois enfants. Nous subîmes, mes frères et moi, les maladies d'enfant mais chacun de notre façon. Moi, je vomissais sans vergogne et salissais mon lit. Mais ma mère me redonnait aussitôt un biberon que je buvais avec grand appétit, ce qui m'empêcha de m'affaiblir et hâta ma guérison. Cependant, j'avais également ma façon propre d'appréhender l'existence et, d'aussi loin que je me souvienne, je la ressentais comme quelque chose d'inopportun qu'on m'avait imposé sans me demander mon avis. Je ne crois pas que cela soit très original, mais c'était ainsi.» William Cliff, un des poètes les plus singuliers du siècle, signe ici son premier roman, relation de voyage au coeur de la province française et quête désenchantée d'un lieu où l'âme et le désir seraient enfin réconciliés.
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L'Oral et Hardi
Jacques Bonnaffé, Jean-Pierre Verheggen, William Cliff, André Malraux, Jules Mousseron
- Camino Verde
- Un Spectacle A Lire Et A Ecouter
- 25 Janvier 2013
- 9791090267039
L'Oral et Hardi, c'est d'abord la folle langue de Jean-Pierre Verheggen, poète concasseur, désintégrateur de tournures, collisionneur de mots, accélérateur de syllabes. Une langue-lave, une langue-tempête, une langue qui érupte, éructe, explose, gicle, une langue où les mots naissent, vibrionnent, s'entrechoquent, ce ne sont plus des mots ce sont des battements, des vibrations, des fracas, une langue qui submerge, qui pénètre. L'Oral et Hardi, c'est ensuite Jacques Bonnaffé par qui nous arrive cette langue, par qui cette langue, écrite sur papier, en deux dimensions, prend son volume, son mouvement, sa vie propre. «?La langue, c'est de la viande?!?» dit Verheggen. Jacques Bonnaffé s'est nourri de cette viande-là, il s'en est tapissé les muscles, les os, les cordes vocales, le myocarde, et son corps tout entier devient cette langue. Jacques Bonnaffé verheggenise par tous les pores, avec un bonheur jouisseur et jouissif, et c'est comme si Verheggen bonnaffait lui aussi, à tout va?! Et nous, embarqués, éberlués, sabordés, nous coulons dans cette parole libératrice. Vincent Roca Spectacle de Jacques Bonnaffé avec des textes de Jean-Pierre Verheggen.
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« j'ai pris un bain j'ai taillé ma tignasse
j'ai coupé ma barbe avec un rasoir
j'ai regardé dans la glace ma face
et vu qu'elle n'était pas belle à voir
alors quittant le carré du miroir
j'ai levé le regard vers les nuages
et qu'ai-je vu dans cette lente nage
de vapeurs finement illuminées ?
nothing nothing sauf qu'en moi le langage
continuait sa démarche obstinée »
William Cliff.