« La vie des femmes est un éternel recommencement. Chaque jour elles doivent prouver la légitimité de leur existence à part entière avec l'autre sexe. Chaque matin elles doivent être à la fois mères, amantes, travailleuses en assumant la charge mentale que nécessite ce détriplement de personnalité. Chaque jour des hommes disent aux femmes : «Ça va mieux aujourd'hui qu'avant, non ? Alors de quoi vous plaignez-vous ?». Les hommes ont raison mais partiellement car, s'il est indéniable que les droits et les acquis des femmes ont fait un bond vertigineux depuis plus d'un siècle en Occident, il n'en reste pas moins que la lutte pour l'égalité femme/homme n'est pas un chemin pavé de roses où les droits les plus fondamentaux sont sanctuarisés et acquis pour toujours.Aujourd'hui l'art n'est plus un interdit lorsqu'on naît de sexe féminin mais ce n'est pas pour autant que les obstacles sont tous levés. Ces femmes ont des destins extraordinaires, la force morale et psychique dont elles ont du faire preuve pour continuer à créer malgré les épreuves force l'admiration comme le constat qu'elles n'ont pas mis leur énergie à se faire connaître mais plutôt à persévérer.»Laure Adler
Pendant longtemps, la majorité des femmes surent lire, mais pas écrire, l'écrit restant, dans la répartition traditionnelle des tâches entre les sexes, la chasse gardée des hommes. Quand elles accédèrent enfin au droit à l'écriture, elles durent mener une lutte encore plus longue, celle de la reconnaissance de leur production écrite.Alors que la plupart de ces femmes aspiraient à une vie sans contrainte, où elles auraient pu exprimer librement leur art, les obstacles qui ne cessèrent en effet de se dresser devant elles - trouver du temps pour écrire constituant déjà une tâche en soi - les vouèrent à un anticonformisme qui les mettait en danger.À ces contraintes sociales s'ajouta une pression intérieure, une quête inconditionnelle d'authenticité qui, entravée, put les mener à la folie ou au suicide.Cet ouvrage dresse le portrait d'une cinquantaine de ces auteures, depuis le Moyen Âge avec Hildegarde de Bingen et Christine de Pisan, jusqu'à l'époque contemporaine avec Carson McCullers, Marguerite Yourcenar, Anaïs Nin, Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, Françoise Sagan - ou plus récemment Toni Morrison, Isabel Allende ou Arundhati Roy - en passant par les incontournables soeurs Brontë, George Sand, Colette, Virginia Woolf ou Karen Blixen.
«Ce qui semble apparaître dans cette terra incognita qu'est la littérature épistolaire féminine, c'est qu'elles en ont fait - quoi qu'en disent certains grincheux - leur affaire à elles, leur genre à elles, leur butin, leur trésor, leur carapace, leur habitacle, leur oxygène, leur souffle vital.»Laure Adler