Postface inédite
Retail apocalypse. Cette expression désigne la vague de fermetures d'un grand nombre de magasins aux États-Unis depuis une dizaine d'années. En France, le mouvement n'a pas la même ampleur mais l'essor du e-commerce concurrence les ventes «physiques» et contribue à faire progresser la vacance commerciale en centre-ville et dans certaines galeries marchandes. Pour autant, l'avenir des marchés, des boutiques, des centres commerciaux, des friperies, des brocantes, des grands magasins ou des librairies n'est pas scellé. En dépit de la digitalisation des courses, de la remise en cause de la distribution de masse et de l'apparition de nouvelles normes de consommation, le magasin demeure un lieu d'approvisionnement central. Il est également un lieu social et assume d'autres fonctions capables de garantir son existence. À travers une vingtaine de chapitres exposant les résultats d'enquêtes sociologiques, cet ouvrage propose une contribution originale au débat en mettant en évidence les fonctions symboliques et l'utilité sociale du magasin. Que fait-il à l'individu ? Que vient y chercher celui-ci que les plateformes ne peuvent lui assurer ? Ni complainte du progrès, ni tract poujadiste de défense des petits commerçants, cet ouvrage examine les raisons qui poussent chaque individu à consacrer en moyenne deux heures quarante par semaine aux achats hors de son domicile.
Afin de penser l'Europe, Edgar Morin nous invite à abandonner les discours rhétoriques et les idées fragmentaires qui produisent des Europe imaginaires, idéales ou mutilées. Son essai, qui est en même temps un voyage interrogatif dans l'histoire et la culture européennes, conçoit l'Europe comme une unité multiple et complexe, unissant les contraires de façon inséparable.Pour la première fois dans les Temps modernes, l'Europe vit un destin commun. Il nous faut en prendre conscience si nous voulons élaborer un dessein commun.
Peu d'idées sont autant galvaudées aujourd'hui que celle de «réalité». Hommes politiques, chefs d'entreprise, mais aussi économistes, romanciers s'en réclament:seul le réalisme semble recevable, et il suffit à tout justifier. La réalité constitue désormais, dans notre mentalité collective, la valeur étalon. Elle est le nouveau dieu que nous vénérons; le dernier qui reste en magasin, peut-être. Mona Chollet épingle l'usage pernicieux de cette notion dans tous les types de discours et démontre pourquoi l'injonction réaliste relève de l'imposture. Dans ce livre mordant et salutaire, elle met à nu l'idéologie implicite de certains «réalistes», elle ouvre aussi joyeusement un chemin de traverse. Elle nous rappelle les bienfaits de l'imagination et du rêve, non pas pour «fuir la réalité», mais au contraire pour se donner une chance de l'habiter pleinement.
Qu'en est-il de «l'art d'être français» ? Et quelle figure d'écrivain serait la mieux à même d'incarner ce génie singulier ? Une institution littéraire réputée, saisie par les plus hautes instances politiques, aurait, dit-on, tenté de répondre à cette question, en soumettant le sujet au vote auprès de ses membres les plus éminents. Résultat : Stendhal, premier sur la liste, assez loin devant Hugo.Alarmé par cette rumeur, et conscient qu'un tel choix aurait un enjeu stratégique non seulement littéraire mais proprement éthique, Régis Debray examine de près les mérites respectifs des deux candidats à la fonction suprême. Sa conclusion : Hugo d'abord, Hugo toujours.Simple question de goût ? Non, car il en va de la vocation d'un peuple, qui regarde notre présent mais plus encore notre avenir.
Cinq ans après les attentats qui ont ensanglanté la France - de la tuerie de Charlie Hebdo au massacre du Bataclan -, ce livre est le premier récit de l'intérieur du processus qui a vu croître le jihadisme français. Né dans les «cités» enclavées des banlieues populaires, il a mené ses activistes, en passant par le «califat» de Daech au Levant, jusqu'aux prisons de l'Hexagone. À partir de quatre-vingts entretiens avec des terroristes incarcérés, Hugo Micheron analyse la nature du jihadisme français. Loin d'être coupée du reste de la société, la prison est en interaction constante avec les quartiers. Dans quel terreau français se creuse le jihadisme? Comment se transplante-t-il dans le jihad syrien? Comment s'épanouit-il dans les prisons de l'Hexagone? Voici le récit édifiant d'une emprise moderne, méthodique, qui a bouleversé les profondeurs de la société.
L'horreur du «califat » de Daesh au Levant entre 2014 et 2017 et son terrorisme planétaire ont été une conséquence paradoxale des «printemps arabes» de 2011. Pourtant ceux-ci avaient été célébrés dans l'enthousiasme des slogans démocratiques universels et de la «révolution 2.0».
Comment s'est installé ce chaos, et peut-on en sortir pour de bon après l'élimination militaire de l'«État islamique»?
Ce livre replace les événements en contexte, depuis la guerre d'octobre 1973 (du «Kippour» ou du «Ramadan»), suivie de l'explosion des prix du pétrole et de la prolifération du jihad, à travers ses trois grandes phases depuis l'Afghanistan et Al-Qaïda. Puis il propose le premier récit complet rétrospectif des six principaux soulèvements arabes, de la Tunisie à la Syrie.
Il expose enfin lignes de faille et pressions migratoires en Méditerranée et au Moyen-Orient, et éclaire les choix décisifs qu'auront à faire Emmanuel Macron, Donald Trump ou Vladimir Poutine, ainsi que les peuples et les dirigeants de cette région - mais aussi les citoyens de l'Europe.
Nourri de quatre décennies d'expérience, de séjours sur le terrain, avec des cartes inédites, Sortir du chaos est de la plume de Passion arabe et offre la précision de Terreur dans l'Hexagone - les deux grands succès récents de l'auteur.
La crise climatique est au centre de l'actualité de notre planète. Elle fonde les politiques nouvelles qu'il faut d'urgence mettre en oeuvre et constitue un défi vertigineux pour les générations futures. Souvent perçue comme trop technique ou complexe, la transition énergétique est pourtant au coeur des solutions et nécessite des données, des analyses et des interprétations étayées.Cet ouvrage collectif vise à «jouer cartes sur table» en croisant les éclairages fournis par l'économie, l'histoire, les relations internationales et la science politique. En douze chapitres, des universitaires français et européens, de générations et de disciplines différentes, proposent une synthèse des réflexions actuelles sur la transition énergétique en France et dans le monde.Un ouvrage du Groupe d'études géopolitiques, dirigé par Michel Derdevet, coordonné par Clémence Pèlegrin, avec la participation de Christophe Bonnery, Dirk Buschle, Joseph Cacciari, Pierre Charbonnier, Anna Creti, Charlotte Gardes, Patrice Geoffron, Sophie Hou, Carlo Invernizzi Accetti, Jan Horst Keppler, Annabelle Livet, Nicolas Mazzucchi, Angélique Palle, Jacques Percebois, Christian de Perthuis, Boris Solier, Aurianne Stroude, Simone Tagliapietra et Jean-Baptiste Vaujour.
Exploits des sportifs de haut niveau, émeutes en banlieue, lutte contre le racisme et les discriminations, mouvement associatif : depuis une dizaine d'années, les Noirs vivant en France métropolitaine sont apparus si visiblement sur la scène publique nationale qu'on peut parler aujourd'hui d'une «question noire» française. Cet essai dense et limpide décrit et analyse, du XVIII? siècle à nos jours, le passé et le présent d'une minorité française. Car la «condition noire» désigne une situation sociale qui n'est pas celle d'une classe, d'une caste ou d'une communauté, mais celle d'une minorité, c'est-à-dire d'un groupe de personnes ayant en partage l'expérience sociale d'être considérées comme noires. L'ouvrage de Pap Ndiaye est d'ores et déjà considéré comme le travail fondateur des black studies à la française.
Fondé sur une étude historique inédite des financements privés et publics de la démocratie dans une dizaine de pays sur plus de cinquante ans, ce livre passe au scalpel l'état de la démocratie, décortique les modèles nationaux et démontre l'ampleur du malaise. Il propose aussi des pistes pour repenser de fond en comble la politique. Une personne, une voix : la démocratie repose sur une promesse d'égalité qui trop souvent vient se fracasser sur le mur de l'argent. Financement des campagnes, dons aux partis politiques, prise de contrôle des médias : depuis des décennies, le jeu démocratique est de plus en plus capturé par les intérêts privés. Se fondant sur une étude inédite des financements politiques privés et publics dans une dizaine de pays sur plus de cinquante ans, Julia Cagé passe au scalpel l'état de la démocratie, décortique les modèles nationaux, et fait le récit des tentatives - souvent infructueuses, mais toujours instructives - de régulation des relations entre argent et politique. Aux États-Unis, où toute la régulation de la démocratie a été balayée par idéologie, le personnel politique ne répond plus qu'aux préférences des plus favorisés. En France, l'État a mis en place un système de réductions fiscales permettant aux plus riches de se voir rembourser la plus grande partie de leurs dons aux partis politiques, alors que les plus pauvres, eux, paient plein pot. Ces dérives ne viennent pas d'un complot savamment orchestré mais de notre manque collectif d'implication. La question du financement de la démocratie n'a jamais véritablement été posée ; celle de la représentation des classes populaires doit l'être sur un mode plus radical. Pour sortir de l'impasse, voici des propositions qui révolutionnent la façon de penser la politique, des réformes innovantes pour une démocratie retrouvée.
«Il y a une figure qui apparaît et réapparaît tout au long de ce livre. Ses instincts sont fondamentalement cruels ; sa manière est intransigeante. Il propage l'hystérie, mais il est immunisé contre elle. Il est au-delà de la tentation, parce que, malgré sa rhétorique utopiste, la satisfaction est le cadet de ses soucis. Il est d'une séduction indicible, semant derrière lui des camarades amers comme Hansel ses miettes de pain, seul chemin pour rentrer chez soi à travers un fourré d'excuses qu'il ne fera jamais. C'est un moraliste et un rationaliste, mais il se présente lui-même comme un sociopathe ; il abandonne derrière lui des documents non pas édifiants mais paradoxaux. Quelle que soit la violence de la marque qu'il laissera sur l'histoire, il est condamné à l'obscurité, qu'il cultive comme un signe de profondeur. Johnny Rotten/John Lydon en est une version ; Guy Debord une autre. Saint-Just était un ancêtre, mais dans mon histoire, Richard Huelsenbeck en est le prototype.» Greil Marcus.
«J'ai entrepris cet inventaire de la condition du Colonisé d'abord pour me comprendre moi-même et identifier ma place au milieu des autres hommes... Ce que j'avais décrit était le lot d'une multitude d'hommes à travers le monde. Je découvrais du même coup, en somme, que tous les colonisés se ressemblaient ; je devais constater par la suite que tous les opprimés se ressemblaient en quelque mesure.» Et Sartre d'écrire : «Cet ouvrage sobre et clair se range parmi les géométries passionnées : son objectivité calme, c'est de la souffrance et de la colère dépassée.» Cet essai est devenu un classique, dès sa parution en 1957 : il soulignait combien les conduites du colonisateur et du colonisé créent une relation fondamentale qui les conditionne l'un et l'autre.
Le traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations marque l'émergence, au sein d'un monde en déclin, d'une ère radicalement nouvelle.
Au cours accéléré qui emporte depuis peu les êtres et les choses, sa limpidité n'a pas laissé de s'accroître. je tiens pour contraire à la volonté d'autonomie individuelle le sentiment, nécessairement désespéré, d'être en proie à une conjuration universelle de circonstances hostiles. le négatif est l'alibi d'une résignation à n'être jamais soi, à ne saisir jamais sa propre richesse de vie. j'ai préféré fonder sur les désirs une lucidité qui, éclairant à chaque instant le combat du vivant contre la mort, révoque le plus sûrement la logique de dépérissement de la marchandise.
Le fléchissement d'un profit tiré de l'exploitation et de la destruction de la nature a déterminé, à la fin du xixe siècle, le développement d'un néocapitalisme écologique et de nouveaux modes de production. la rentabilité du vivant ne mise plus sur son épuisement mais sur sa reconstruction. la conscience de la vie à créer progresse parce que le sens des choses y contribue. jamais les désirs, rendus à leur enfance, n'ont disposé en chacun d'une telle puissance de briser ce qui les inverse, les nie, les réifie en objets marchands.
Il arrive aujourd'hui ce qu'aucune imagination n'avait osé soutenir : le processus d'alchimie individuelle n'aboutit à rien de moins qu'à la transmutation de l'histoire inhumaine en réalisation de l'humain. r.v.
« Se plonger dans les histoires de drogue est l'unique point de vue qui m'ait permis de comprendre vraiment les choses. Observer les faiblesses humaines, la physiologie du pouvoir, la fragilité des relations, l'inconsistance des liens, la force colossale de l'argent et de la férocité. L'impuissance absolue de tous les enseignements mettant en valeur la beauté et la justice, ceux dont je me suis nourri. La coke était l'axe autour duquel tout tournait. La carte du monde était certes dessinée par le pétrole, le noir, celui dont nous sommes habitués à parler, mais aussi par le pétrole blanc, comme l'appellent les parrains nigérians. Le pétrole est le carburant des moteurs, la coke celui des corps ».
Après Gomorra, Roberto Saviano poursuit son travail d'enquête et de réflexion sur le crime organisé à l'échelle mondiale. D'où le crime tire-t-il sa force? Comment l'économie mondiale a-t-elle surmonté la crise financière de 2008? Une seule et même réponse : grâce à l'argent de la cocaïne.
Extra pure nous convie à un voyage du Mexique à la Russie, de la Colombie au Nigeria, en passant par les États-Unis, l'Espagne, la France et l'Italie de la 'ndrangheta calabraise. Au fil de cette exploration, l'auteur raconte avec une puissance épique inégalée ce que sont les clans criminels partout dans le monde. Et il démonte impitoyablement tout le fonctionnement de l'économie.
Greta Thunberg est l'icône engagée dans le combat contre le dérèglement climatique depuis sa grève scolaire devant le Parlement suédois tous les vendredis, à partir de l'été 2018. Elle mobilise à l'échelle planétaire, bien au-delà de sa génération et elle influence jusqu'aux déclarations sinon l'action des dirigeants politiques, économiques, religieux.Avec elle, nous sommes largement dans l'univers des formes:des apparitions, des gestes, du langage, de la voix, du visage, des vêtements, des coiffures. Elle entraîne, elle convertit, elle ennuie ou elle exaspère par les formes qu'elle donne à son engagement à travers ses actions reprises dans les médias:réseaux sociaux, vidéos, photographies, caricatures, BD, série télévisuelle, logos, produits dérivés.Même les mots qu'elle emploie, qu'elle répète, qu'elle combine, finissent par agir comme des images mentales contagieuses et ces mots ont la forme de la rébellion, de l'espoir et du désespoir, mais aussi d'une nouvelle raison écologique anxieuse qui s'impose de plus en plus largement.Quand elle dit qu'un jour l'ours polaire privé de sa banquise est resté bloqué dans sa tête, il faut la croire pour entrer dans sa danse.
Quel lien entre la législation de l'avortement et la baisse de la criminalité aux États-Unisoe Quelles sont les vraies motivations des agents immobiliersoe Pourquoi les revendeurs de drogue vivent-ils plus longtemps chez leur mèreoe L'économie, vue sous cet angle, incongru en apparence, mais qui est celui de la plus sérieuse rationalité des agents, des comportements, des causes et effets, traite de sujets peu conventionnels. Elle a reçu un nom : freakonomics, ou «économie saugrenue». Elle jette une lumière de biais sur le désordre des événements ; elle met à nu des a priori à prétention de scientificité irréfutable ; elle transforme notre regard sur le monde globalisé, qui nous apparaît, pour finir, moins impénétrable et incompréhensible.
«Être passé de la chair à canon à la chair à consensus et à la pâte à informer est certes un progrès. Mais ces chairs se gâtent vite : la matière première consensuelle se transforme en une unanimité populiste des majorités silencieuses qui n'est jamais innocente. À ce populisme classique se greffe désormais un nouveau populisme yuppie - un techno-populisme - qui entend bien afficher sa post-modernité carnassière, prompte à digérer le best-of des biens et services de la planète.»Gilles Châtelet.Conduite avec la rigoureuse férocité de ses talents de scientifique, de philosophe et de polémiste, l'analyse de Gilles Châtelet décrit le procès qui a réussi à capter la richesse de l'Homme ordinaire - le «paysan libre d'Angleterre» dont parlait Marx - pour fabriquer l'homme moyen des démocraties-marchés.Peut-on imaginer que l'humanité ne soit plus que la somme statistique de citoyens-panélistes et de neurones sur pied dévorés par l'ennui et l'envie ?Loin des récentes niaiseries pseudo-humanistes, Gilles Châtelet dénonce la Triple Alliance politique, économique et cybernétique des néo-libéraux, qui cherche à rendre rationnelle et même festive la «guerre de tous contre tous». Il réclame une philosophie de combat qui fasse «plus de vagues et moins de vogue».
Il y a un malheur français, bien spécifique:pourquoi sommes-nous les champions du monde du pessimisme et du mécontentement de nous-mêmes? Pourquoi vivons-nous notre situation, notre place dans l'Europe et le monde, comme un malheur incomparable? Marcel Gauchet aborde ce problème d'une façon originale, en procédant d'abord à un vaste examen historique, qui le conduit des XVII?-XVIII? siècles jusqu'à la période immédiatement contemporaine. Au passage, il analyse en profondeur le règne de De Gaulle et celui de Mitterrand, l'un et l'autre matriciels pour comprendre notre présent.Puis il s'attaque aux ressorts de la société française d'aujourd'hui, dont il dissèque les maux:pourquoi la mondialisation et l'insertion dans l'ensemble européen sont-elles ressenties en France avec une particulière inquiétude? Pourquoi le divorce entre les élites et le peuple prend-il chez nous ce tour dramatique? Quelle responsabilité incombe aux dirigeants dans la montée de ce qu'on appelle, sans beaucoup y réfléchir, «populisme»? Quel rôle enfin joue, dans le marasme français, le néolibéralisme, cette idéologie qui veut se confondre avec le cours obligatoire des choses et qui porte en elle la dépolitisation de nos sociétés, à laquelle Mitterrand a converti la France sans le dire?
Ce livre est une présentation provocatrice et cynique des sept étapes qui permettent aux leaders populistes de passer du statut de «personnage ridicule» à celui d'«autocrate terrifiant».
Ces sept étapes qui matérialisent le moment où une démocratie bascule dans une dictature, Ece Temelkuran les a identifiées dans son pays d'origine, la Turquie. Mais elle en observe aussi les prémices dans bien d'autres États, y compris des démocraties que nous pensions très solides : création de mouvements qui veulent s'adresser au «vrai peuple», bêtise érigée en moyen de communication, complotisme comme obscurantisme contemporain...
La journaliste en exil, qui a observé ces dérives lors de ses nombreux déplacements dans le monde, développe l'idée d'un «mal de la banalité» qui devrait nous inciter à toujours rester vigilants pour éviter de basculer hors de la démocratie. Un livre salutaire pour qui veut voir le monde tel qu'il est, et non tel qu'on espère qu'il perdurera.
Albert Memmi esquisse le portrait de l'homme dominé - le Noir, le Colonisé, le prolétaire, le Juif, la femme, le domestique. L'ouvrage paraît en 1968, année où nombre de par le monde se soulevèrent pour obtenir leur émancipation. La méthode est la même que dans les portraits antérieurs du Colonisé et du Colonisateur ou du Juif dressés par l'auteur : dans un va-et-vient entre une expérience individuelle et un effort de systématisation, le lecteur croisera donc les souvenirs d'Albert Memmi mais aussi les thèses de Simone de Beauvoir ou bien The Servant de Losey. En somme, le lecteur découvre ici une réflexion qui entend être une étape importante dans l'émancipation sociale et morale des femmes et des hommes, mais plus singulièrement aussi une phase dans l'itinéraire d'Albert Memmi vers «ce livre plus général sur l'oppression, que j'annonce sans cesse, que je n'achèverai peut-être jamais, mais vers lequel j'avance tous les jours un peu».
Un dépôt de bilan peut se consigner dans la bonne humeur, avec clins d'oeil et sourires. C'est cette variante teintée d'humour, rarement pratiquée au tribunal de commerce, qu'a choisie Régis Debray, dans cette lettre d'un père à son fils bachelier, en quête de conseils sur la filière à suivre. Littérature, sociologie, politique, sciences dures ? En empruntant le langage entrepreneurial, celui de notre temps, l'auteur lui expose les bénéfices qu'un jeune homme peut dorénavant attendre de ces divers investissements. En lui recommandant instamment d'éviter la politique. Bien au-delà de simples conseils d'orientation professionnelle, ce livre-testament voudrait faire le point sur le métier de vivre dans le monde d'aujourd'hui, sans rien sacrifier aux convenances. Beaucoup d'adultes et quelques délurés sans âge particulier pourront sans doute y trouver leur compte.
La pandémie restera dans l'histoire comme l'un de ces moments où tout a changé. L'explosion des dettes et des liquidités se conjugue avec des rivalités internationales de plus en plus vives : l'expression « guerre des monnaies » est devenue banale et un retour de la guerre froide est couramment évoqué. Les tentations populistes et les rivalités de puissance interdisent de concevoir l'avenir comme un prolongement de la mondialisation.
Il y a aujourd'hui trois grands continents, la Chine, l'Union européenne et les États-Unis, et trois grandes monnaies, le dollar, l'euro et le yuan. Économie et géopolitique sont, comme le montre l'histoire, toujours étroitement mêlées, leur tâche conjointe est d'inventer l'internationalisme qui évitera la guerre et établira la paix au XXIe siècle.
L'inégalité, ou : pourquoi y a-t-il des riches et des pauvres ? À cette question essentielle de l'économie, Pierre-Noël Giraud apporte une réponse originale : plutôt que de mettre en rapport inégalité sociale et croissance dans chaque pays, il préfère embrasser, sur deux siècles, les inégalités internes et externes, sociales et spatiales, des capitalismes, restituant, par là même, la dynamique de l'économie du monde contemporain. Émergence des inégalités entre pays, réduction des inégalités sociales internes en fin de période, tel aura été - du XVIIIe siècle aux années 1970 - le double mouvement d'ensemble de l'inégalité du monde. Or, depuis vingt ans, ce mouvement s'inverse.
Un rattrapage des pays riches extrêmement rapide a été entamé, non seulement par les « nouveaux pays industrialisés » (Corée du Sud, Taiwan, Singapour), mais aussi par les vastes « pays à bas salaire et à capacité technologique » : la Chine, l'Inde, l'ex-Union soviétique.
Cependant, cette réduction des écarts entre pays s'accompagne, au sein des pays riches, d'une croissance des inégalités polarisant la société en une minorité de « compétitifs » et un large groupe de « protégés » qui deviennent les clients des premiers. Nous sommes désormais entrés dans une nouvelle ère de l'inégalité du monde.
Depuis la crise des subprimes, on sait que l'économie n'est pas la science infaillible qu'elle prétendait être. Et pourtant, dans l'Occident post-religieux, le discours économique semble avoir pris la place du sacré. Ce culte a pour principe divin le Marché, incarné par une multitude de Marchés dont l'appétit n'est apaisé que par la croissance. Il a pour valeur cardinale la liberté d'entreprendre, pour idéal l'équilibre et pour credo l'infinitude du monde, condition à la satisfaction des dieux. Il a ses temples, ces grandes bâtisses d'allure gréco-romaine où valsent les indices, reflets des humeurs divines changeantes. Il a ses rites de consommation ; il a son clergé, la finance, et ses archiprêtres, les grands banquiers centraux, seuls capables d'apaiser la colère des dieux. Progressivement, depuis le XVIII e siècle, l'économie a acquis l'autorité dont était investie la religion. Elle ne s'attaque plus à l'astronomie et à la biologie, comme le christianisme avant elle, mais s'en prend à l'écologie et à toutes les sciences qui fixent des limites au Marché. Le nouveau Jupiter, c'est lui. Une fascinante enquête historico-économique à la recherche des ressorts profonds du système économique qui nous régit.