Une fois encore, l'Arménie est menacée dans son existence même : par ses problèmes économiques et politiques notamment ; par le conflit dans le Haut-Karabagh ; par l'indifférence d'un Occident polarisé sur la guerre en Ukraine. Jeune écrivain et éditeur d'Erevan, Rouben Ichkhanian propose ici - à la demande des éditions L'Inventaire - une brève histoire de l'Arménie du début du XXe siècle à nos jours, à travers l'histoire de sa famille. Les lieux en sont multiples : Haut-Karabagh, Kokand, Soumgaït, Bakou, Stepanakert, Erevan, Spitak, Moscou, de nouveau Erevan. Ils correspondent aux différents bouleversements qui frappent la région et le monde : Première Guerre mondiale, effondrement de l'empire de Russie et rattachement du Haut-Karabagh à l'Azerbaïdjan pour les grands-parents ; effondrement de l'URSS, pogroms anti-arméniens de Soumgaït, tremblement de terre de Spitak, conflit du Haut-Karabagh et terribles années 1990 pour les parents ; découverte de la littérature étrangère, notamment d'Umberto Eco, décès du père, débuts dans l'écriture, études à Moscou, création d'une maison d'édition, « révolution douce » d'Arménie (mars-mai 2018) pour le fils. En 2020 et 2022, le Haut-Karabagh s'embrase à nouveau. Et demain ?
La collection « Tabou » propose des textes courts, d'origines, d'époques et de langues diverses, ayant, pour une raison ou une autre, été interdits au moment de leur écriture. «La Falaise»« de Nijni-Novgorod» en est la première illustration. Boris Pilniak y traite de la révolution de 1917 dans la province russe, et des bouleversements que cet événement suscite au sein d'une famille : durant la guerre civile, le père choisit le camp des "Blancs", le jeune fils celui des "Rouges", la mère est partagée entre les deux hommes. Ecrit en 1927, ce texte est aussitôt censuré et ne paraîtra en Russie qu'en 1992. L'interdiction, en l'occurrence, n'a rien de politique. Le motif en est le thème, "tabou" par excellence, abordé par l'auteur : celui de l'inceste entre la mère et son fils.
Un monde très proche du nôtre dans le temps et dans son évolution. Le progrès technique fait des ravages, les hommes ont des « puces » électroniques qui leur permettent de tout connaître sans effort. L'ère de l'écrit est révolue. Les livres papiers ont disparu, à l'exception de premières éditions, clonées à la demande, en un lieu secret situé dans les profondeurs du mont Manaraga (qui existe réellement, dans l'Oural). Ces premières éditions n'intéressent plus que des esthètes, prêts à mettre un argent fou pour les « consommer », au sens propre du terme ou presque. De jeunes gens ingénieux l'ont bien compris, qui ouvrent des book'n'grill, où l'on peut manger une succulente viande grillée au feu de pages de Tolstoï, Cervantès et autres.
Le sbiten, vous connaissez ? Non ? C'est une boisson au miel et au gingembre, chaude, parfumée, sucrée, que l'on déguste, l'hiver, dans les rues de Moscou. Avez-vous vu les rozvalnias, ces solides traîneaux qui acheminent par convois, vers la capitale, des monceaux de cochons, d'oies, de gélinottes ? Non plus ? Mais vous allez les voir, tandis qu'Ivan Chmeliov (1875-1950) vous contera Noël, au début du siècle, en Russie. Tel l'enfant auquel s'adresse ce récit, vous découvrirez la maison au parquet ciré pour les fêtes, la veilleuse devant l'icône, les gamins du quartier qui passent de maison en maison... C'est une Russie rude et généreuse que nous présente l'écrivain, depuis Paris où il a émigré. Une Russie fantasmatique, embellie par la nostalgie et qui, pareille au carillon de Noël, résonne en lui, longtemps après qu'elle a disparu...
Le monde d'avant, le monde pendant, le monde d'après ? Sous la forme de courts essais ou de nouvelles, neuf écrivains russes contemporains posent l'ensemble des questions induites par la pause mondiale que nous venons de vivre.
On est frappé, à la lecture de ces textes, par la hauteur de vue des auteurs, par cette façon très russe de brasser des époques entières - la réflexion sur l'Histoire et ses rythmes est très présente dans le recueil - et de penser à l'aune de la planète : aucun nombrilisme ici, aucune frontière mentale. Ces écrits nous rappellent, en outre, que la poésie permet bien souvent d'expliquer ce qui n'entre pas dans les catégories de la science...
Participent au recueil : Marina Akhmedova, Iouri Arabov, Sacha Filipenko, Andreï Guelassimov, Chamil Idiatoulline Anna Kozlova, Sergueï Lebedev, Vladislav Otrochenko, Evgueni Vodolazkine.
Six jeunes photographes présentent aussi leurs clichés réalisés en Russie au temps du confinement.
Quoi de plus " tabou ", aujourd'hui, en Russie que le pétrole (et le gaz), centre de tous les enjeux politiques et stratégiques ? Et cela ne date pas d'hier.
Déjà, en 1934, Boris Pilniak évoque les liens " idéologie " / " pétrole " dans un récit dont le héros, un ingénieur du pétrole, ne parvient pas à faire sa " perestroïka " après la révolution de 1917. " Homme d'honneur " qui veut " servir la Russie par son travail ", il est pris en tenailles entre la vision et les principes des frères Nobel, qui dirigeaient le pétrole russe avant que le tsarisme ne s'effondre, et celle des bolcheviks.
Le volume comprendra également une chronologie du pétrole et du gaz russes depuis la fin du XIXe siècle, ainsi qu'un article de spécialiste sur les développements actuels dans ce domaine.